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| | Lenaë, running down to the riptide | |
| Auteur | Message |
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| Sujet: Lenaë, running down to the riptide Sam 26 Juil - 1:49 | |
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Lenaë Amalya DarröwLady, running away to the riptide, taken away to the dark sideNOM COMPLET : Lenaë Amalya Darröw DATE ET LIEU DE NAISSANCE : Le 28 août 656 dans un village paumé de la campagne archenlandaise ÂGE : 22 ans, bientôt 23 LIEU DE RÉSIDENCE ACTUEL : En ce moment, Lenaë vit sur le bateau pirate de sa famille, la Flèche, et quand elle n'est pas en mer, dans un appartement de Hauterive avec Olivia TITRE ET/OU PROFESSION : Pour se rendre fréquentable Lenaë se dit tisserande, mais elle est avant tout pirate FAMILLE : Lenaë descend d'une longue lignée de pirates assez respectée, dont les chefs de clan sont ses grands-parents paternels Marlowe et Darya Darröw. Ses parents, Shereen et Gaspard, ont coupé les ponts avec le reste de la famille pour vivre tranquillement, et récemment Lenaë s'est brouillée avec eux si bien qu'ils ne se parlent plus. Enfin, Lenaë a une grande soeur de trois ans son aînée, Riwana, dont elle était très proche jusqu'à sa disparition il y a six ans. SITUATION : Célibataire GROUPE : Les Archenlandais AVATAR : Sarah Bolger
Lorsqu'on rencontre Lenaë, on peine à croire que cette fille est vraiment une pirate. C'est vrai que son allure sage cache bien son jeu, ce dont elle profite toujours. Lenaë a en effet tendance à beaucoup mentir et avoue être une comédienne plutôt douée, ce qui s'avère souvent utile. Dans certains cas, cela lui joue des tours car la jeune femme est également quelqu'un d'impulsif et insouciant. De nature rêveuse, elle n'imagine jamais que le meilleur scénario possible et fait preuve d'une grande naïveté, si bien qu'elle affronte difficilement les mauvaises conséquences de ses actes. Elle est curieuse et ne manque jamais une occasion de vivre une aventure, sa détermination sans bornes l'aidant à réaliser ses souhaits. Ayant toujours été considérée par ses parents comme très bien élevée, Lenaë a un jour décidé de se rebeller et c'est ce qui l'a mené à la piraterie. Bien qu'être obéissante et polie demeure dans sa nature, Lenaë était bien décidée à choisir sa propre voie et faire « ce qui n'était pas bien ». A Hauterive, la ville de pirates, la jeune femme a fait la connaissance de bon nombres de personnages plus étranges et effrayants les uns que les autres. N'y ayant jamais été habituée, cela aurait pu la rebuter mais pas du tout. On lui a toujours appris à avoir de la compassion pour son prochain, et connaître la pauvreté l'a rendue généreuse et solidaire envers les autres. Malgré la bonne opinion qu'elle s'efforce d'avoir de chacun, Lenaë s'inquiète beaucoup de la façon dont les autres la voient et n'est jamais très à l'aise en présence de personnes qu'elle ne connaît pas. Elle supporte mal la critique, à moins qu'il ne s'agisse de commentaires sexistes émis par son capitaine, ce qui l'agace terriblement. Lenaë déteste les injustices et ne comprend pas qu'on puisse croire qu'une femme vaut moins qu'un homme, ça a surtout tendance à la révolter. Lenaë est donc tantôt douce tantôt survoltée, ce qui reflète son appartenance à deux milieux très différents : la campagne et la mer.
Pour vous donner quelques détails supplémentaires sur Lenaë qui vous feront penser à un profil de site de rencontre, voilà : Sa couleur préférée est le bleu et son plat favori le moules-frites. Elle possède un poignard mais s'en sert rarement à cause de sa phobie du sang qui est apparue après qu'elle ait tué un marin narnien. Elle apprécie les personnages originaux, les voyages en bateau et les balades à la plage, mais n'est pas insensible non plus aux paysages verts de la campagne. Elle tient également très bien à l'alcool, ce qui lui vient de son éducation rurale. |
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Que pensez-vous des récentes explorations lancées par les rois ? Si vous le pouviez, quel rôle y joueriez-vous ? Ah, je peux enfin m'exprimer par moi-même dans ma présentation ! Mince, ce n'est pas une question facile... Hum, je dirais qu'avant, ces explorations m'intéressaient beaucoup. J'aurais vraiment aimé y participer, en montant à bord de l'un de ces bateaux pour découvrir ce que la mer nous cache. C'est une bonne chose que les rois incitent les gens à être curieux de ce qui les entourent, et puis on pourrait faire des découvertes fascinantes. Cependant, depuis la mort de mon oncle lors d'une de ces expéditions, je suis bien moins enthousiasmée par ce sujet. Je finis par croire que c'est bien trop dangereux, mais je comprends parfaitement ceux qui sont encore tentés par l'aventure. J'espère qu'il n'y aura pas d'autres morts, même si à ce que j'ai entendu dire, c'est déjà le cas...
Croyez-vous que les évènements étranges et soudains qui s'abattent dans votre royaume soient directement liés aux dieux ? Êtes-vous inquiet ? Je dois dire que je n'ai été témoin d'aucun événement bizarre, en revanche j'en ai souvent entendu parler avec les marins de Hauterive... Toutefois, je ne saurais dire s'ils ont exagéré les faits ou non, comme ils sont tous plus ou moins portés sur la boisson et que ce qu'ils racontent est vraiment invraisemblable. Quant aux nombreux bateaux d'exploration balayés par les tempêtes, je pense plutôt qu'il s'agit de l’œuvre de la mer. A mon avis, les hommes devraient être autant inquiétés par elle que par les dieux... Je ne vois pas pourquoi de telles entités viendraient perturber la vie des hommes, à vrai dire. Franchement, je ne serai pas inquiète tant que je n'aurai pas vu un de ces événements de mes propres yeux.
Comment voyez-vous votre vie future ? J'aime penser que tout ira bien, alors je suis assez optimiste quant à mon future. J'ai de grandes attentes, en tout cas... Je sais que je continuerai la piraterie avec Olivia, et j'espère que ma famille ira mieux. J'aimerais me réconcilier un jour avec mes parents et aussi retrouver Aurore, même si je ne vois pas comment. Et manger des moules-frites, tiens. On verra bien.
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Sam 26 Juil - 1:49 | |
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C'est l'histoire de la viiieThough the truth may vary, this ship will carry our bodies safe to shorePartie 1 : Des pirates à la campagne Lenaë avait toujours eu l'impression de bien connaître la mer sans pourtant l'avoir jamais vue. Alors que tous les membres de sa famille étaient nés les pieds dans l'eau, Lenaë avait grandi au fin fond de la campagne, entourée par les champs. Et même si les paysages de chez elle étaient verts plutôt que bleus, l'océan avait toujours fait partie d'elle. Il fallait dire qu'elle avait cela dans le sang, au sens propre. Je ne veux pas dire par là que Lenaë avait de l'eau salée dans les veines, mais ses ancêtres et toutes les générations de Darröw qui s'étaient succédées avaient vécu ou vivaient en harmonie avec la mer. Ce n'étaient pas d'honnêtes marins, non, mais plutôt... des pirates. Et les parents de Lenaë en avaient été eux-mêmes, et sa grande sœur Aurore aussi, ou du moins autant qu'on peut l'être jusqu'à ses quatre ans. Mais Lenaë n'avait jamais eu l'occasion de faire partie du milieu, et pour cause : sa naissance avait poussé ses parents à prendre une retraite anticipée et couper les ponts avec le reste de la famille. C'était en tout cas ce qu'elle avait compris aux dires de ses parents et de sa sœur. Après une vie mouvementée sur les flots, les Darröw s'étaient retirés au fin fond de la campagne archenlandaise avec leur première fille pour ouvrir un commerce de tissus. Quelque temps après leur arrivée, Lenaë vint au monde. C'était le dix-huit août de l'an 656. Aujourd'hui, la jeune femme ne garde que très peu de souvenirs de ses premières années, mais ceux qui subsistent sont toujours très agréables. Lenaë se rappelle de ses parents la cajolant, comme ils le firent tout au long de sa vie, ou encore de sa grande sœur veillant sur elle. Si Lenaë retient un souvenir très fort de sa petite enfance, c'est la grande admiration qu'elle éprouvait, et éprouve encore aujourd'hui, pour Aurore. De nombreuses petites fille rêvent de ressembler à leur grande sœur et Lenaë faisait partie de celles-là. Bien qu'elle ait compris que ses parents désapprouvaient les innombrables bêtises que pouvait inventer son aînée, Lenaë trouvait que tout ce qu'Aurore faisait était génial et qu'elle était le modèle à suivre. Au grand soulagement de ses parents, elle était bien moins chahuteuse que son aînée, une digne fille de pirates. Peut-être était-ce parce qu'elle n'avait jamais connu cette vie, mais Lenaë était une enfant très sage et obéissante, timide aussi, alors qu'Aurore était plus audacieuse et hardie. Malgré leurs différences, les deux sœurs étaient très proches, et Lenaë savait qu'elle pouvait toujours compter sur l'appui de sa grande sœur adorée. L'enfance de Lenaë fut bercée par les récits de ses parents sur leur ancienne vie en mer. Les histoires qu'elle entendait étaient palpitantes, plus captivantes que beaucoup de contes qu'elle avait entendus ailleurs. Même si son père et sa mère ajoutaient à la fin de chacun de leurs récits que c'était trop dangereux et qu'ils étaient plus heureux maintenant, dans cet endroit tranquille, la fillette n'avait aucun mal à percevoir la nostalgie dans leur regard. Elle se doutait qu'ils regrettaient leurs aventures trépidantes, lorsqu'ils passaient de longues journées ennuyeuses à attendre qu'un client passe enfin la porte de leur commerce. Elle avait entendu quelques histoires à ce sujet auprès d'Aurore, bien que cette dernière ne s'en souvienne que très peu, mais elle avait compris que ses parents étaient très heureux avant. Quand elle leur demandait si leur ancienne vie leur manquait, son père et sa mère lui répondaient que « non, évidemment ! », mais ils marquaient toujours un temps d'hésitation. Lenaë se demandait alors si ce n'était pas un peu sa faute si ses parents avaient l'air mélancolique lorsqu'ils évoquaient leur famille à qui ils n'avaient plus parlé depuis sa naissance, ou l'excitation qu'ils éprouvaient les quelques minutes précédant un abordage. Plutôt que d'éprouver de la culpabilité, qui était un sentiment bien trop désagréable à son goût, Lenaë utilisait ses connaissances sur la piraterie pour jouer avec les autres enfants du village. Sa grande sœur était une des meneuses de bande, ce qui faisait que Lenaë était très respectée. Il lui arrivait de jouer avec Aurore et les plus grands, mais elle ne voulait pas l'embêter alors elle restait avec ceux de son âge, pour la plupart des fils et filles de paysans qui la faisaient beaucoup rire. Son père, sa mère et sa sœur l'avaient bien avertie de ne jamais révéler le secret de leur famille à quiconque, sous peine de s'attirer de gros ennuis, et la petite fille racontait à ses amis que ses informations lui venaient de livres de sa bibliothèque, alors qu'elle ne savait même pas encore lire. Elle passa de très bons moments à jouer aux pirates dans les champs. Leur navire consistait en quelques caisses en bois que des amis avaient « empruntées » à leurs voisins, et chaque enfant avait un rôle sur le bateau. Lenaë tenait souvent le rôle de la vigie comme elle était légère, et elle grimpait au tronc du plus haut chêne des bois comme un marin monterait le long d'un mât pour atteindre son nid-de-pie à elle, une branche plus grosse que les autres et dégagée du feuillage. Un foulard noir délavé qu'elle avait piqué à ses parents, attaché à la cime du chêne, faisait figure de pavillon noir. De son poste, elle surveillait les océans de verdure qui l'entouraient et sonnait l'alerte lorsqu'une bande ennemie venue d'un autre village se pointait à l'horizon. Elle redescendait alors de son perchoir et rejoignait ses amis pour participer à la bataille et défendre leur territoire, armés de frondes et de bâtons. Lenaë veillait à ne pas être trop amochée lors des conflits : ses parents lui avaient répété maintes fois que se battre était mal, mais cela lui paraissait un conseil bien hypocrite venant de leur bouche d'abord, et ensuite Aurore le faisait, et tout ce que Aurore faisait était bien. Ses parents l'auraient sûrement grondée s'ils avaient su à quels jeux elle prenait part, souhaitant éviter à tous prix qu'elle se rapproche du milieu de la piraterie. Ils ne faisaient que l'y inciter, avec leurs histoires, mais ils ne pouvaient s'empêcher d'en raconter d'autres car ces moments passés leur manquaient terriblement. Malgré tout l'amour que Lenaë éprouvait pour ses parents, elle ne pouvait s'empêcher de trouver égoïste leur manière de ressasser ces histoires devant elle, comme s'ils parlaient du bon vieux temps – bien qu'ils disent le contraire – alors qu'elle était la seule à ne jamais en avoir eu un aperçu. Elle aussi serait pirate un jour, et son père et sa mère ne s'en douteraient jamais. Ils prenaient tant soin à faire d'elle une fille sage et inoffensive qu'ils s'étaient persuadées que c'était sa véritable personnalité. Lenaë adorait ses parents et tout ce qu'ils faisaient pour elle ; en revanche, elle n'appréciait pas qu'ils la couvent de trop comme s'ils cherchaient à ce que leur oisillon ne s'envole jamais du nid. Ils la voyaient comme un ange à côté de sa sœur qu'ils n'avaient pas eu de le temps de « dépirater », et Lenaë profitait parfois de cette trop grande confiance pour faire des coups en douce. Ils n'auraient jamais cru, par exemple, qu'elle puisse se battre contre d'autres enfants, et attribuaient les déchirures et les taches de boue sur ses vêtements à des chutes, puisque Lenaë était si innocente qu'elle ne tenait pas debout, bien sûr... Elle aimait donc infiniment ses parents mais se rebellait à sa manière, tentant de leur faire comprendre qu'ils devaient changer de comportement avec elle. A son grand désespoir, ses parents continuèrent de la voir de la même façon tout au long de son adolescence. Lenaë n'était pas une enfant à problèmes, mais on la pensait toujours incapable du moindre méchanceté. Ils étaient si gentils avec elle que Lenaë se sentait incapable de s'opposer à eux de peur de leur faire du mal, et c'était un gros défaut. Alors qu'Aurore arrivait à marquer son indépendance, Lenaë ne leur refusait presque rien pour ne pas les décevoir. Elle se sentait affreusement bête et faible à côté de sa sœur qui avait un fort caractère et de la volonté, alors qu'elle se laissait faire. Pour leur faire plaisir, elle accepta d'apprendre le métier de tisserande auprès d'une vieille voisine. Ce n'était pas si déplaisant que cela, mais elle ne s'imaginait pas faire la même chose toute sa vie, et elle rêvait toujours de voir la mer et les pirates. Elle se trouvait lâche à se soumettre à ses parents sans protester alors qu'elle voulait faire l'inverse, et elle n'osa même pas en parler à Aurore tant elle avait honte. Heureusement, elle pouvait échapper à cet amour étouffant en passant du temps avec ses amis. Avec sa grande sœur chérie bien sûr aussi, mais Aurore grandissait et Lenaë craignait de la déranger. Elle passa ainsi son adolescence à réfléchir à une façon de faire ce qu'elle souhaitait sans blesser ses parents. Partie 2 : Le feu détruit les magasins et fait disparaître les sœurs Comme vous aurez pu remarquer suite à cette lecture, la vie de Lenaë n'avait absolument rien de passionnant jusqu'alors. Elle était prédestinée à devenir une petite tisserande soumise à ses parents qui avaient un passé bien plus excitant que tout ce qu'elle aurait jamais pu espérer pour son propre futur. Ce fut une nuit de 673, alors que l'Archenlandaise avait dix-sept ans, qui marqua un grand tournant dans sa vie. Lenaë dormait du sommeil du campagnard paisible – c'est-à-dire très profondément – lorsque son père vint la tirer brusquement du lit et la jeta par la fenêtre. N'allez pas penser que monsieur Darröw était devenu fou, non non. Il ne s'agissait pas d'une tentative de meurtre, mais plutôt de sauvetage. Lenaë s'écrasa sans rien comprendre sur une meule de foin et avant qu'elle ait eu le temps de reprendre ses esprits, ses parents tombèrent à côté d'elle et l'entourèrent de leurs bras comme pour la protéger. Mais la protéger de quoi ? C'est alors qu'elle ressentit la chaleur étouffante et l'odeur âcre de fumée qui l'auraient presque faite suffoquer. Elle se défit de leur étreinte et chercha sa sœur du regard sans la trouver, ne voyant que quelques personnes du voisinage à l'air inquiet, puis remarqua la lumière orange et aveuglante qui semblait provenir de l'angle de sa maison, au niveau du magasin de ses parents. Le feu, il y avait le feu dans la boutique ! Lenaë se précipita dans cette direction, talonnée par ses parents qui lui criaient de faire attention, et alors qu'elle arrivait face à la devanture du magasin, elle dut vivement reculer pour ne pas être brûlée. Les flammes ravageaient le seul moyen de sa famille pour gagner leur vie. Si l'étage s'effondrait, les Darröw n'auraient plus rien. Mais leurs possessions n'étaient pas ce qui préoccupait le plus Lenaë : où était passée Aurore ? Elle voyait de courageux voisins qui s'activaient à ramener de l'eau du puits, heureusement peu éloigné de leur maison, pour éteindre le feu. Mais Aurore ne se trouvait pas parmi eux. Terrorisée, Lenaë courut demander à ses parents si ils savaient où elle était, ce à quoi ils répondirent négativement, blancs comme un linge. Lenaë éclata en sanglots dans leurs bras, horrifiée à l'idée que sa sœur puisse se trouver dans les flammes. Elle sentit que ses parents tremblaient alors qu'ils lui caressaient le dos pour la rassurer, mais elle ne se calma que lorsqu'elle entendit un homme du quartier annoncer avec soulagement que le feu avait été maîtrisé. Alors que des acclamations de joie retentissaient de toutes parts et que des personnes venaient s'assurer que les Darröw allaient bien, Lenaë se détacha une nouvelle fois de ses parents et s'élança vers les ruines du magasin en hurlant le nom de sa sœur, espérant la voir en sortir saine et sauve et au pire couverte de suie. L'étage semblait ne pas trop avoir été touché, elle aurait pu s'y réfugier... Quelqu'un lui cria de ne pas y aller, que c'était dangereux, mais Lenaë n'écouta pas et se jeta à l'intérieur, persuadée qu'elle allait sauver son aînée. Elle regretta presque aussitôt son geste : l'obscurité de la nuit mêlée à la suie l'empêchaient de voir que ce soit, et l'air était irrespirable. Désorientée, elle chercha à tâtons un appui pour se guider dans le noir, mais sa main entra en contact avec un meuble qui tenait à peine debout. La chaleur qui s'en dégageait la brûla et elle retira vivement sa main, et malheureusement... le meuble la suivit. Par chance pour elle et sa stupidité, on vint la dégager presque immédiatement si bien qu'elle ne garda que des blessures superficielles. Mais tout le monde dans le quartier avait été témoin de sa bêtise et les légères brûlures sur son visage et son corps semblaient être là pour confirmer ses parents sur le fait qu'elle ne pouvait pas être indépendante d'eux, ce qui était loin de l'enchanter. Enfin, il y avait plus grave. Le meuble avait réussi à assommer Lenaë – elle ne l'avait jamais aimé de toute façon – et elle ne se réveilla que le lendemain aux alentours de midi, chez la vieille voisine qui lui avait appris à tisser. Après l'avoir remerciée chaleureusement et rassurée sur son état, Lenaë fonça chez elle avec l'espoir d'avoir enfin des nouvelles de sa sœur, que la vieille dame lui avait dit ne pas avoir revue. C'est en arrivant à la hauteur du magasin que la jeune fille remarqua un détail qui lui fit froid dans le dos. Elle ne l'avait pas remarqué la nuit dernière à cause de l'obscurité, mais les vitrines étaient en partie brisées. Ce n'était pas comme si elles avaient explosé à cause de la chaleur, mais plutôt comme si quelqu'un les avait cassées volontairement. On ne savait pas la cause de l'incendie, et si c'était criminel ? Mais alors qui pourrait faire ça ? Ses parents tenaient un modeste commerce de tissus, ils étaient loin d'être riches et rien que l'aspect de leur maison en témoignait. Ce ne pouvait donc pas être un vol, ni une affaire de concurrence. D'autre part, ses parents étaient appréciés de tous dans le village, elle ne voyait pas qui pourrait leur vouloir du mal. Il était ridicule de penser à leurs connaissances pirates, ils n'auraient pas attendu si longtemps pour leur causer du tort. A moins que l'incendie ait un lien avec la disparition de sa sœur... Enfin, si elle avait vraiment disparu. Peut-être qu'elle était simplement allée chez un ami sans les prévenir, cela pouvait arriver, elle était grande. Bien qu'un doute horrible lui pesa sur le cœur, Lenaë tenta de se persuader qu'il ne s'agissait que de ça. Ce n'est que lorsque Lenaë passa le seuil du magasin, avec plus de précautions cette fois, qu'elle se rendit compte de ce que cet incendie représentait. Avant qu'elle ne parte, la vieille dame lui avait assuré que des hommes avaient vérifié la solidité des fondations : le feu n'avait eu le temps de faire du dégât que du côté de la marchandise grâce à l'intervention rapide du voisinage. Ils avaient déjà eu beaucoup de chance mais se retrouvaient quand même ruinés. Ils n'auraient jamais assez d'argent pour réparer les dégâts et remplacer la marchandise. Au moins, ils avaient un toit où dormir, et la plupart de leurs affaires à l'étage étaient intactes. Malgré ses idées positives, un grand désarroi envahit Lenaë, quelque chose lui disant que rien ne serait plus jamais comme avant. Elle trouva ses parents assis en silence à l'étage. Ils avaient les yeux gonflés et la mine tirée ; eux aussi devaient certainement penser à toutes les difficultés qui les attendaient. Lorsqu'elle osa enfin demander s'ils avaient des nouvelles de Aurore, ils lui répondirent que non. Elle s'y attendait. Elle avait perdu tout espoir en voyant la mine abattue de sa famille. Aurore ne refit pas son apparition du reste de la journée. Même s'ils n'en parlèrent plus, Lenaë comprit que ses parents reliaient également la disparition de leur fille au saccage de leur boutique. Cette nuit-là, Lenaë rêva que sa grande sœur rentrait enfin et lui disait que tout allait bien, que rien n'était arrivé. Ce rêve lui parut si réel que Lenaë se réveilla d'excellente humeur et se prépara à aller passer une journée dans les champs, persuadée que l'incendie n'était qu'un vilain cauchemar. Mais lorsqu'elle entra dans la chambre de sa sœur pour aller lui dire bonjour, elle s'aperçut qu'une grande partie de ses affaires avait disparu. Le retour à la réalité lui fit l'effet d'une douche froide. Aurore était bien passée à la maison cette nuit, pendant que tout le monde dormait, mais elle n'allait pas rentrer de sitôt. La mort dans l'âme, Lenaë descendit rejoindre ses parents dans la boutique et l'état de désolation de son environnement ne lui fit plus aucun effet. A la mine de ses parents, elle se douta qu'eux aussi avaient compris que Aurore était revenue, mais personne ne voulut en parler. Sa mère s'occupa de ses brûlures puis ils s'affairèrent à remettre la boutique en état. Cette entreprise dura très longtemps. Si longtemps que Lenaë partit avant la fin, mais nous parlerons de cet épisode un tout petit peu plus tard. Les Darröw reçurent encore de l'aide de leurs merveilleux voisins qu'ils avaient dû remercier de toutes les manières possibles une bonne centaine de fois chacun. Lenaë participait activement aux préparatifs, le travail l'aidant à oublier ses soucis. Les jours passaient à une vitesse fulgurante et il n'y avait toujours aucun signe d'Aurore. Lenaë n'arrivait pas à comprendre ce qu'il s'était passé, et elle s'inquiétait terriblement pour sa sœur. Elle était persuadée qu'Aurore était vivante, c'était évident, sa sœur était bien trop maligne pour se faire tuer. Mais elle devait avoir de graves soucis, et Lenaë espérait qu'elle ne souffrait pas trop. Elle était certaine que sa sœur ne l'aurait jamais abandonnée pour une raison sans importance. Aurore lui manquait terriblement, et les journées étaient fades sans elle. Lenaë ressentait un grand vide en elle, elle avait perdu son modèle et celle sur qui elle pensait toujours pouvoir compter. Ses parents souffraient beaucoup aussi sans le montrer, elle le savait bien, mais personne ne parlait de Aurore à la maison. Parfois, en passant près d'un groupe de villageois, Lenaë les entendait évoquer le nom de son aînée. Lorsqu'ils la remarquaient, ils se taisaient et lui adressaient un air gêné. Ils manquaient de discrétion mais Lenaë ne leur en voulait pas, elle comprenait qu'ils s'interrogent car c'est qu'elle faisait aussi. Elle avait compris au cours d'une conversation qu'elle aurait besoin de travailler pour aider ses parents à avoir assez d'argent pour racheter de la marchandise. Cela la désespérait car elle ne se sentait absolument pas d'humeur à tisser. L'absence de sa sœur la démoralisait complètement, mais passer ses journées à tripoter des fils l'aurait achevée. Et enfin, un jour, elle trouva une solution à son problème. Alors qu'elle traversait la prairie pour rentrer les chèvres de son voisin pendant qu'il aidait ses parents à nettoyer la boutique, elle remarqua le grand chêne dans lequel elle jouait petite. Elle n'avait pas beaucoup parlé à ses amis depuis l'incendie mais elle savait qu'ils étaient compréhensifs. Se rappeler de ses souvenirs d'enfant lui réchauffa le cœur, et elle se décida à s'en approcher. La végétation avait poussé autour, mais il était toujours le même. Elle se rappela du foulard noir et, levant les yeux, elle s'aperçut qu'il était toujours attaché au sommet de l'arbre mais bien moins visible car le feuillage le dissimulait en partie à présent. Cette vision lui fit l'effet d'un déclic : elle avait trouvé un autre moyen de gagner de l'argent pour aider ses parents. Partie 3 : L'aventure de Lenaë hors de la cambrousse et une famille hors-du-commun Ce que Lenaë avait prévu était de retrouver les autres membres de sa famille : les Darröw demeurés pirates. Depuis toute petite déjà, elle en rêvait. La famille représentait ce qu'il y avait de plus important à ses yeux, or elle ne connaissait que trois membres de la sienne. Et encore, quelle famille ! Sa sœur avait disparu mystérieusement elle n'était pas honnête avec ses parents. Retrouver les autres serait peut-être l'occasion de réunir tout le monde à nouveau. Et Lenaë avait une chance de réussir : au fil des ans, elle avait collecté en secret les précieuses informations que ses parents révélaient sur leur passé dans leurs nombreux récits. Ainsi, ses grands-parents maternels se nommaient Marlowe et Darya. Ils occupaient une fonction importante au cœur de la vie pirate, mais Lenaë ignorait laquelle. Ils avaient un autre fils, Nolan, de quelques années plus vieux que son père et très proche de lui jusqu'à leur séparation. Quant aux parents de sa mère, Lenaë ne savait presque rien d'eux hormis qu'ils n'étaient pas pirates mais résidaient dans la même ville que les Darröw. C'était d'ailleurs une petite cité portuaire située à l'embouchure de la Flèche Coudée vers l'océan, mais ses parents avaient été assez prudents pour en taire le nom. Trouver la bonne ville serait sûrement la partie la plus difficile de son entreprise, mais il suffirait qu'elle reçoive l'aide d'une personne qui connaîtrait bien le pays... Comme un cocher, par exemple. Le départ fut très difficile pour Lenaë. Quitter ses proches, et en particulier ses parents, qui plus est pour la première fois de sa vie, se révéla horriblement douloureux. Alors que la calèche l'emportait loin du village où elle avait grandi, Lenaë ressentit comme un arrachement au cœur ; elle eut le sentiment d'abandonner son enfance derrière elle. Elle pleura quelques instants comme pour faire le deuil de cette partie de son existence désormais révolue, se sentant tout à coup déprimée. Mais son courage revint au galop dès qu'elle songea à tout ce qui l'attendait. En effet, la personne dont elle avait besoin, son cocher, se trouvait juste devant elle et pouvait la mener là où elle le voudrait. Elle passa la tête par la fenêtre et lui formula sa requête un peu... étrange : « Excusez-moi, monsieur, mais j'ai changé d'avis... Je souhaiterais atteindre une ville à l'est, là où la Flèche Coudée rejoint l'Océan et où l'on rencontre beaucoup de marins, à ce que j'ai entendu dire. ». Par marins Lenaë entendait évidemment pirates, mais le dire n'aurait pas eut très bon effet. Elle craignit pendant un instant que son cocher n'ait pas entendu sa demande ou ait préféré l'ignorer, mais il finit par faire demi-tour et prendre la direction opposée à celle d'Anvard. Lenaë allait enfin connaître l'aventure. Lenaë, grande paresseuse, dormit pendant la presque totalité du trajet et ne s'éveilla que le lendemain à l'aube, alors qu'un homme inconnu lui secouait vigoureusement le bras. Lenaë fut tout d'abord effrayée mais elle se souvint que le cocher l'avait prévenue la veille qu'il serait relayé pendant la nuit ; cet homme-là était donc le nouveau, et il lui lui annonçait qu'ils étaient arrivés à destination. Surexcitée, Lenaë sauta de la calèche pour aider l'homme à décharger ses affaires. Étrangement, la jeune femme ressentit l'impression de l'avoir déjà vu ; pourtant, elle n'aurait pu dire où. Il s'agissait d'un homme dans la cinquantaine, assez grand et de carrure imposante, vêtu d'un habit de voyage gris très simple. Il portait sa barbe et ses cheveux brun grisonnant très longs, si bien qu'on distinguait à peine les traits de son visage. Malgré son physique peu avenant, quelque chose en cet homme inspirait une infinie confiance à Lenaë. Il devait s'agir de ses yeux, de grands yeux bleus qui évoquaient la mer à la jeune femme – ou en tout cas celle qu'elle s'était toujours imaginée, puisqu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de la voir. Le cocher se montra très gentil avec elle. Il lui expliqua qu'il allait l'accompagner dans une auberge où elle pourrait s'installer ; lui s'y reposerait un peu avant de reprendre la route. Toutefois, lorsqu'il fut temps de partir pour cette auberge – ils se trouvaient alors dans une sorte de hangar pour calèches – le cocher se montra plus soucieux. Il la prévint qu'ils s'apprêtaient à traverser « une ville pleine de bandits, d'ivrognes et de voleurs » et que mieux valait ne pas se faire repérer par des gens mal intentionnés. Il rabattit sa capuche sur son visage à cet effet et l'invita à faire de même, ce que Lenaë fit sans ressentir la moindre appréhension. Les deux voyageurs partirent donc à la découverte de cette nouvelle ville dont Lenaë ignorait jusqu'au nom – cela aurait dû l'inquiéter, mais elle était trop enthousiaste pour y songer. Elle fut frappée dès les premiers instants par la pauvreté de cet endroit. Il y flottait une odeur d'urine mêlée à de l'alcool, ce qui était loin d'être agréable de bon matin, mais Lenaë parvint à se convaincre qu'il s'agissait du parfum de l'aventure et finit par s'y accommoder. Des petites masures agglutinées les unes aux autres sortaient peu à peu des gens qui venaient tout juste de se réveiller. Alors que la foule dans la rue ne cessait de grossir, Lenaë sentit des regards peser sur elle et le cocher. Il fallait dire que malgré leurs vêtements simples, ils semblaient bien plus riches en apparence que nombre des habitants de cette ville. Son cocher lui murmura d'éviter de croiser leurs regards au cas où l'un d'eux déciderait de les prendre pour cible ; au lieu d'être effrayée, Lenaë ressentit une profonde tristesse pour toutes ces personnes. A quoi s'était-elle attendue, en même temps, lorsqu'elle avait décidé de retrouver des gens qui pillaient pour vivre ? Se sentant stupide et honteuse, elle baissa les yeux et suivit aveuglément son nouveau « guide » à travers les rues étroites. Au bout d'un certain temps, ils atteignirent un point en amont du reste de la ville. Là, la vue coupa le souffle de Lenaë. De là-haut, on pouvait admirer l'océan qui s'étendait à l'horizon. Sa surface nuancée de bleu, de gris et de vert était parsemée de petites taches dorées causées par la réflexion du soleil. C'était merveilleux. Mais Lenaë ne put pas profiter bien longtemps de ce panorama qui la laissait rêveuse : son cocher lui remua à nouveau le bras pour lui indiquer une taverne à leur gauche. Sur la devanture était inscrit le nom très équivoque de l'établissement : « La jambe de bois plaquée or ». Le cœur de Lenaë fit un bond et elle se demanda si le choix du cocher était vraiment anodin. Il confirma ses doutes en lui déclarant, les lèvres étirées en un sourire narquois : « Je vous préviens, nous risquons de rencontrer des pirates là-dedans. C'est bien ce que vous vouliez ? ». Interloquée, Lenaë se figea et le regarda disparaître à l'intérieur de l'auberge : mais comment avait-il su ? Elle n'en avait parlé à personne ! Elle songea un instant à déguerpir puis se ravisa : il venait d'emporter une partie de ses affaires avec lui, l'incitant à le suivre. Il fallait avouer que pour l'instant, il ne lui avait fait aucun mal et était peut-être même en train de lui faciliter la tâche... Mais pourquoi ? Lenaë se résolut donc à entrer et déboucha dans une pièce plongée dans la pénombre. L'odeur qui y régnait était encore plus forte que dans la rue, et ce n'était pas peu dire. Malgré la faible luminosité, elle n'eut aucun mal à discerner des corps d'hommes et de femmes avachis sur des tables, au milieu de bouteilles et de verres vides. Des pirates, c'en était sûr ! Fascinée par cette vision, Lenaë ne réagit que trop tard lorsque son cocher réserva une chambre pour elle auprès du tavernier. Elle s'apprêtait à protester quand elle songea que cet homme était à coup sûr de mèche avec les pirates et que s'attaquer à lui signifiait s'opposer à une bonne partie de la ville. Résignée, Lenaë le remercia froidement puis monta se reposer alors qu'il lui adressait un autre sourire narquois. Plutôt que de dormir, ce qui n'était absolument pas sa priorité, Lenaë luttait pour ne pas céder à la panique. Ce n'était que maintenant qu'elle était profondément enfoncée dans le pétrin qu'elle se rendait compte à quel point elle avait fait preuve d'une stupidité et d'une imprudence affligeantes. Si ses proches venaient à s'apercevoir de sa disparition, ce qui était peu probable, ils n'auraient même pas l'idée de venir la chercher près de la côte comme elle était censée se trouver dans la capitale. Mais comment ce type avait-il compris qu'elle cherchait des pirates ? On aurait dit qu'il voulait la guider jusqu'à eux, mais quelles étaient ses intentions ? Lenaë n'en avait pas la moindre idée mais il fallait qu'elle sorte d'ici. Alors qu'elle s'apprêtait à prendre la poudre d'escampette par la fenêtre, elle fut coupée net dans son élan par des coups frappés à la porte. Son sang se glaça lorsqu'elle comprit qu'il devait s'agir du « cocher ». Elle décida de lui ouvrir ; il fallait qu'elle découvre ce qu'il lui voulait, quitte à s'échapper plus tard. Ce fut bien lui qu'elle découvrit devant sa chambre, toujours aussi « souriant ». Il lui ordonna de le suivre en bas, ce à quoi Lenaë obtempéra puisqu'elle ne voyait pas quoi faire d'autre, et puis il n'avait pas un ton agressif. Quand ils regagnèrent la salle principale, l'ambiance avait radicalement changé. Les clients s'étaient tous réveillés de leur petit somme pour boire un autre verre. Les conversations allaient bon train mais tout était encore relativement calme. C'était le matin, après tout... A leur passage, Lenaë fut très étonnée de constater que beaucoup d'entre eux inclinaient respectueusement la tête, et certains même se levaient. Ce n'était pas pour elle, évidemment... Non, Lenaë avait droit aux regards inquisiteurs et aux clins d’œil aguicheurs. Le cocher, en revanche, semblait bénéficier de l'admiration de tous. Il devait vraiment occuper une position importante, dans ce cas, mais cela n'expliquait toujours pas la présence de Lenaë ici. Ils s'assirent à une table éloignée des autres, dans un angle de la pièce et le cocher lui proposa à boire. Lenaë refusa catégoriquement, attendant les réponses qui lui étaient dues. Au lieu de cela, l'insolent cocher décida de lui poser une question : « Est-ce que tu as une idée de qui je suis, au moins ? ». Lenaë s'apprêtait à lui répliquer quelque chose quand elle croisa son regard et comprit. Elle connaissait ces yeux bleus. C'étaient ceux de son père, de sa sœur et même les siens. Elle avait été si bête de ne pas le remarquer plus tôt ! « Vous êtes un Darröw ! » s'exclama-t-elle un peu plus fort que ce qu'elle avait voulu. Sûrement amusé par son air ahuri, le bougre éclata de rire : il n'en fallut pas plus à Lenaë pour découvrir son identité. « Vous avez le même rire que votre frère, Oncle Nolan. ». A ces mots, l'oncle Nolan, puisque c'était bien lui, changea totalement d'attitude. Comme si en devinant qui il était, Lenaë était devenue une autre personne. Il contemplait sa nièce fraîchement retrouvée avec un regard empli de bienveillance et de tristesse, et il s'adonna finalement à ses explications : « Lorsque ton père et ta mère sont partis avec ta sœur – et toi si on veut – j'ai été anéanti. De perdre mon petit-frère, premièrement, ma belle-sœur aussi, mais surtout ma nièce. J'aimais beaucoup Aurore – une vraie graine de pirate, cette enfant – et j'étais horriblement déçu de ne pas pouvoir la voir grandir. C'est pourquoi j'ai décidé de vous surveiller, elle et toi quand tu es née, mais de loin. Je n'ai pas d'enfants, mais je sais que les parents ne voient pas tout. Il était de mon devoir de m'assurer que les filles de mon frère grandissaient bien et tout a semblé bien se dérouler jusqu'à cette soirée de l'année dernière. Je postais toujours un de mes gars près de votre village pour qu'il vienne me raconter si quelque chose se passait quand je ne pouvais pas faire le déplacement moi-même. Et puis un jour, l'un d'eux est venu me dire que le magasin avait brûlé alors que ta sœur avait disparu. J'ai tout de suite compris qu'il devait s'agir d'une affaire de pirates et je suis parti sur le champ, arrivant le lendemain des faits. Comme je ne pouvais rien faire pour aider, je me suis rendu dans un port situé non loin, où l'on ne trouve que des marins d'eau douce – des vermines qui se prennent pour des durs. Tout le monde là-bas était en émoi, et on m'a raconté qu'une gamine accompagnée d'un jeune type avait mis le feu à un bateau avant de disparaître... » « C'était Aurore ! » l'interrompit brusquement Lenaë, incapable de se contenir plus longtemps. Crispée depuis qu'il avait commencé à évoquer le sujet, Lenaë avait du mal à en croire ses oreilles : c'était la première fois en un an qu'elle en apprenait plus sur la disparition de sa sœur. « Savez-vous ce qu'elle est devenue ? » « Malheureusement, non. Je sais juste que les survivants l'ont cherchée partout – tu imagines bien – et qu'ils ne l'ont jamais retrouvée. C'est Aurore, après tout. ». Lenaë sourit à cette remarque, encouragée sur le fait que sa sœur était bien en vie – ce dont elle n'avait jamais douté, mais là elle recevait presque une confirmation. L'oncle Nolan sembla ravi de la voir s'égayer un peu puis prit un verre avant de poursuivre. « J'ai envoyé des gars chercher ta sœur un peu partout dans le pays mais ce fut sans résultats. Je me suis finalement résigné au fait qu'elle ne réapparaîtrait que quand elle le voudrait et je me suis concentré sur toi et tes parents. Vous étiez en mauvais état. Tristes et ruinés. Anéantis par la perte d'un enfant et de votre source de revenus. Ce n'était pas facile. Mes gars ont discrètement encouragé vos voisins à vous filer un coup de main. Tout avait l'air d'aller mieux, puis j'ai eu un pressentiment à propos de toi. J'ai senti que tu n'allais pas vouloir rester dans cette situation maintenant que ta sœur n'était plus là. Je me disais que peut-être, avec un peu de chance, tu aurais envie de venir nous passer le bonjour. Alors j'ai fait surveiller les allées et venues en calèche dans votre village pendant plusieurs mois jusqu'à ce qu'un messager vienne m'informer que tu t'apprêtais à venir ici. Je me suis donc arrangé pour prendre le relais avec le premier cocher que tu avais eu : il m'a dit que tu avais une requête un peu bizarroïde, sans nom de ville ni rien... Heureusement que j'avais quelque peu appris à manier un cheval dans ma jeunesse, mais ce n'a pas été de la tourte... De toute façon, je serais venu avec toi. Il était hors de question que quelqu'un d'autre que moi escorte ma nièce jusqu'à sa famille. Tu as eu de la chance que je sois là, d'ailleurs, c'était vraiment très imprudent.... Le regard de Nolan, jusque-là très tendre, très paternel, se raffermit tout à coup. Lenaë rougit de façon incontrôlable, se disant que son oncle devait la prendre pour une idiote folle et inconsciente alors que c'était la première fois qu'ils se parlaient. Bravo. « C'est vrai que je n'ai pas trop assuré sur le coup... » admit-elle honteusement. « Mais merci, merci sincèrement pour tout ce que vous avez fait, Oncle Nolan. ». L'intéressé n'eut pas le temps de se confondre en politesses car un couple de personnes âgées les interrompit avec un raclement de gorge. Lenaë, qui avait le coup pour reconnaître des Darröw maintenant, n'eut aucun mal à saisir à qui elle avait à faire. Marlowe et Darya Darröw, ses grands-parents, se tenaient en face d'elle, derrière Nolan. Septuagénaires à l'allure vive et fringante, ils ne semblaient pas le moins du monde fatigués et tenaient leurs bras enlacés comme un jeune couple. Malgré ce geste de tendresse, leur regard féroce et les poignards luisant à leur ceinture rappelaient qu'il ne fallait pas se méprendre d'eux. Fortement impressionnée, Lenaë allait par réflexe se lever et leur faire une révérence – oui, à ce point... – quand son oncle la retint par le bras et se tourna vers ses parents avec un grand sourire. « Maman, Papa, je vous présente Lenaë, la fille cadette de Gaspard et Shereen. Elle est arrivée ce matin. Lenaë, tu as dû le remarquer mais voici tes grands-parents. ». Lenaë ne savait pas trop ce à quoi elle s'était attendue quant à sa rencontre avec le reste de la famille. Celle avec son oncle avaient été pour le moins surprenante mais il paraissait vraiment heureux de la voir. Confortée par ce point positif, Lenaë aurait donc espéré quelques acclamations de joie, un peu d'émotion avec ses grands-parents... Mais elle ne reçut rien de tel de la part des vieux pirates endurcis ; en tout cas, rien de plus qu'un « Aaah, c'est toi, Lenaë... » peu enthousiaste. A défaut d'avoir touché leur sensibilité, Lenaë capta leur curiosité et alors qu'ils se joignaient à leur table, la jeune femme lutta pour que sa terrible déception ne se lise pas sur son visage. Elle aurait vraiment voulu pleurer, mais c'était à croire que les deux ancêtres l'auraient illico renvoyée chez elle. « Alors, ton père et ta mère apprécient la douillette campagne ? » demanda son grand-père d'un air railleur. Lenaë s'efforça de répondre avec le sourire : « Euh oui je crois, merci. A part depuis la disparition d'Aurore, ma sœur, et la destruction de leur magasin... ». Ses grands-parents haussèrent un sourcil au même moment ; son oncle, pour sa part, lui adressa un sourire qui semblait signifier « Désolé, ils sont toujours un peu grognons après la sieste », mais Lenaë n'était pas encore experte en analyse de sourires. « Oh, c'est regrettable... S'éloigner de la piraterie ne devait pas être si sûr, finalement. » commenta amèrement sa grand-mère. Secouée par ce manque de compassion, Lenaë s'emporta quelque peu. « J'espère ne pas trop vous importuner puisque la vie de pirate doit être très prenante, mais peut-être pourriez-vous leur envoyer un peu d'aide ? » suggéra la campagnarde sur le même ton. C'était en partie ce qu'elle avait prévu pour secourir ses parents : solliciter le soutien de sa famille mais également faire un petit boulot, plus ou moins pirate, pour rapporter des sous. C'était sans compter sur la dureté des plus vieux. « Oh, je suis navrée mais quoi qu'on puisse penser, être pirate n'est pas un métier facile, nous gagnons peu pour beaucoup d'efforts. » répliqua sèchement Darya. « En revanche, » poursuivit-elle plus doucement, « rien ne t'empêche de leur envoyer l'argent que tu gagnerais toi-même par la piraterie. ». Le cœur de Lenaë fit un bond ; c'était peut-être ce qu'elle lui avait dit de plus appréciable. Son oncle sembla prêt à désapprouver mais Lenaë le coupa : « Ce n'est pas une mauvaise idée, mais je n'ai vraiment pas l'étoffe d'une pirate... ». « Ce n'est pas grave ! Le capitaine de notre navire t'apprendra. « C'est-à-dire ? » « Eh bien, ton oncle, évidemment ! répondit Marlowe avec un agacement non feint. Surprise, Lenaë se tourna vers Nolan pour l'interroger du regard. Il lui adressa alors un clin d'oeil comme pour lui prouver qu'il l'aiderait. « C'est d'accord. » conclut la jeune femme. La suite est en spoiler dans un post un peu plus bas Je n'avais pas la place ici u_u
PRÉNOM/PSEUDO : Lila ÂGE : 16 ans COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM ? Je suis une ancienne VOTRE DISPONIBILITÉ : A partir de la rentrée je serai surtout là le week-end et le mercredi après-midi, mais rien ne m'empêche de passer un peu les autres soirs de la semaine DES REMARQUES, DES IMPRESSIONS : Je suis toujours en totale admiration devant le design et tout ce que vous avez fait, et le contexte assure CRÉDITS : Moi-même pour l'avatar (d'où la mauvaise qualité ) et Artemisiaa de Tumblr pour l'image MOT DE LA FIN : Wesh ! |
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Sam 26 Juil - 7:11 | |
| Tiens... la tisserande en plus Sarah est super jolie *-* il nous faudra un lien |
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Sam 26 Juil - 10:19 | |
| J'adoooore les images bienvenue à nouveau en tout cas et il nous faudra aussi un lien |
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Sam 26 Juil - 17:33 | |
| Si Riwana ne m'avait pas prévenue (bon toi après) je t'aurai pas reconnue Bienvenue ma belle en tout cas Bon courage pour ta fiche |
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Sam 26 Juil - 19:58 | |
| Eh oui Roro, c'est moi Oooh c'est gentil et Eva est magnifique J'approuve pour le lien ! Je te ferai des robes haute couture Merciii Artaban J'ai trouvé des trésors sur Tumblr Bien sûr Lenaë pourrait accoster dans un port calormène un jour... Nous en reparlerons Mdrr merci beaucoup Olivia Le changement de nom t'a perturbé, ma pauvre La suite de mon histoire - Spoiler:
Partie 4 : Une mer et une fille agitées Les jours qui suivirent furent très intenses pour Lenaë. Tout d'abord, on lui fit cadeau d'un poignard dont son oncle Nolan lui enseigna le maniement. Avant cela, la jeune femme n'en avait jamais vu qu'en guise de décoration chez un voisin si bien que l'apprentissage se révéla fastidieux, mais concluant. Lenaë pourrait ainsi participer aux abordages – c'était bien le but pour un pirate – mais également se défendre seule face aux vauriens qui pullulaient en ville. Deuxièmement, on lui apprit une autre discipline bien pratique pour un marin : la nage. Cette partie plut particulièrement à Lenaë car elle pouvait alors profiter de la belle plage et de son eau claire – contrairement à celle complètement souillée du port. Lenaë ne se sentait jamais aussi bien que lorsqu'elle se promenait le long de l'eau, apaisée par l'air marin et bercée par le bruit des vagues qui venaient mourir à ses pieds dans un brassage d'écume. Dans ces moments-là, Lenaë ressentait très fortement son appartenance au monde de la mer, ce qui était loin d'être le cas en compagnie des membres de sa famille nouvellement rencontrée – hormis son oncle, toujours adorable avec elle. En effet, au cours de sa semaine chargée, la jeune femme avait fait la connaissance de ses grands-parents maternels. Elle qui s'était fixée de grandes attentes quant à cette réunion se retrouva bien déçue... Les parents de sa mère n'étaient pas de méchantes personnes, au contraire : ils tenaient un orphelinat au centre de Hauterive (oui, c'était le nom de la ville). Mais justement, ils étaient si dévoués à ces enfants abandonnés que l'absence de leur propre fille Shereen ne leur avait fait ni chaud ni froid. En tout cas, c'est ce qu'ils avouèrent à Lenaë et cette confession précipita la fin de la rencontre. Lenaë ne fut même pas sûre qu'ils remarquèrent son départ ; à vrai dire, ils ne lui avaient pratiquement pas prêté attention tout du long qu'ils avaient été ensemble. Quant à ses grands-parents paternels, eh bien ils étaient toujours aussi charmants – c'est-à-dire qu'ils lui accordaient la même considération qu'à une étrangère. En fait, ils reprochaient ostensiblement à Lenaë de leur rappeler que leur fils cadet les avait volontairement quittés, et ce rien que par son existence. Malgré sa sensibilité habituelle, Lenaë était loin d'être affectée : elle avait appris toute son enfance à vivre sans grands-parents, ce n'était pas maintenant que cela allait lui manquer. Ce qui la tourmentait, en revanche, c'était l'attitude qu'ils pourraient avoir à son égard sur le navire. Elle fut bien vite rassurée en apprenant qu'ils ne feraient pas partie du voyage, et qu'en réalité ils ne jouaient qu'un petit rôle dans le clan Darröw. Ils étaient surtout là pour le symbolisme : les deux vieux pirates, ancêtres de tous ceux issus des générations suivantes... Marlowe et Darya servaient en quelque sorte de souverains tandis que leur fils Nolan était le premier ministre qui disposait de tous les pouvoirs. Cette constatation amusait beaucoup Lenaë et cela lui donna l'idée d'écrire une lettre à ses parents. Bien sûr, elle omit de leur parler de ce détail, ainsi que de son projet de rejoindre les pirates de leur famille, et de tout ce qui lui était arrivé jusqu'ici finalement... A la place, elle leur raconta qu'elle avait été engagée dans une boutique si petite qu'il ne servait à rien d'en préciser le nom, avait appris à se servir d'un rouet et à broder des paysages du littoral. Pour finir, elle ajouta qu'elle ne leur divulguerait pas son adresse car la moindre lettre d'eux lui donnerait envie de rentrer à la maison puis conclut en leur disant qu'ils lui manquaient terriblement et qu'elle leur faisait d' « énormes bisous de la capitale ». Le pire était que Lenaë n'éprouvait pas de remords à leur mentir de la sorte : c'était comme si en se sentant bientôt pirate, elle avait abandonné toutes ses bonnes manières... Et puis elle n'avait pas le temps, elle devait préparer ses affaires pour le départ qui approchait à grands pas. Voir la terre s'éloigner progressivement alors qu'on se tenait à bord d'un bateau avait quelque chose de magique. Les chants des matelots qui s'activaient déjà à la tâche, les voiles qui s'agitaient au gré du vent, le grincement du bois et des cordages, le clapotis des vagues contre la coque... Tous ces éléments contribuaient à créer une ambiance particulière pour laquelle Lenaë se sentait faite. Le bateau des Darröw, d'ailleurs, était magnifique. Il s'appelait la Flèche et sa figure de proue représentait une très belle femme sans nom, qu'on disait être la première Darröw. Lenaë aurait pu passer des heures à contempler l'océan en sentant l'embarcation tanguer doucement sous ses pieds, mais un gros type borgne lui rappela bien vite qu'elle n'était pas partie en croisière. « L'annonce du capitaine ! » grommela-t-il de sa voix bourrue. Effectivement, Lenaë et le reste de l'équipage se rassemblèrent bientôt autour de Nolan, qui s'apprêtait à réciter son habituel discours de début de traversée – et le premier de Lenaë ! « Mes chers frères et sœurs ! Ravi de vous retrouver avec toujours autant d'entrain. Avec une motivation pareille, il est certain que nous rapporterons un beau butin chez nous ! » Ses mots furent suivis par une salve d'applaudissements, ce qui l'encouragea à reprendre : « Maintenant, par soucis de bienséance, je vais vous rappeler le code de la piraterie... ». Les réactions bien moins chaleureuses que plus tôt ne l'arrêtèrent pas pour autant. Lenaë ne se serait jamais doutée de l'existence de ces règles, et pourtant il en existait beaucoup : interdiction de jouer de l'argent aux jeux de cartes, liberté de parole égale à chaque pirate, défense formelle d'avoir un lapin ou un chat noir à bord, partage équitable du butin à la fin de la traversée, couvre-feu à dix heures du soir... « Pour finir, une dernière remarque... Je tiens à vous informer de la présence de ma nièce Lenaë, qui fait pour la première fois partie d'un équipage et est donc totalement étrangère au milieu de la piraterie. Je vous demanderais d'être indulgents avec elle. Merci, les gars ! ». Et c'est ainsi que Lenaë comprit que se faire aimer par ses compagnons pirates ne serait pas de la tourte... Ils n'eurent en effet aucun problème à comprendre de qui parlait leur capitaine, Lenaë se révélant être la seule personne affublée d'une robe malgré la présence d'autres éléments féminins parmi l'équipage – il fallait dire que personne ne l'avait prévenue, non plus ! Et alors qu'elle voyait tous ces visages hostiles tournés vers elle, la jeune femme se demanda si elle devait être reconnaissante envers son oncle – qui lui souriait de toutes ses dents sans se douter des conséquences de son acte – ou plutôt lui en vouloir. Son choix parut plus évident dans les jours qui suivirent, alors que Lenaë devenait la cible des railleries de ses camarades. Oh, ce n'était rien de bien méchant et les petits noms qu'on lui attribuait la faisaient plus sourire qu'autre chose, mais Lenaë souffrait de cet isolement. A chaque fois qu'elle tentait de s'incruster dans une conversation – ce qu'elle faisait d'ailleurs très mal – quelqu'un lui demandait si elle ne venait pas espionner pour son oncle. Lenaë était en effet cataloguée comme la chouchoute du capitaine (c'était même l'un de ses surnoms), et donc une horrible moucharde, le genre qui gagne des récompenses pour chaque délation. C'était totalement faux, mais une rumeur commença à circuler sur le bateau comme quoi Lenaë avait droit à des traitements de faveur. Rien de plus inexact encore une fois : la jeune femme partageait la même bouillie immonde que tout le monde aux repas et dormait dans la même cabine insalubre qu'eux. De plus, elle faisait partie des malchanceux qui n'avaient pas pensé à apporter de hamac et devaient donc coucher sur un fin matelas à même le sol, entourés de dizaines de corps puant la sueur et l'alcool. Lenaë n'était pas très pointilleuse niveau propreté et s'était faite à cette odeur sauvage, néanmoins elle n'était jamais très rassurée la nuit lorsqu'elle sentait des hommes pisser dans un seau à côté de sa tête, redoutant ce qui pourrait arriver si le bateau venait à tanguer violemment... Malgré cela, les rumeurs allaient bon train. Mais « la Chouchoute » n'était pas le surnom le plus populaire de Lenaë. En fait, des marins qui connaissaient sa famille lui avaient un jour demandé si elle était bien la fille de Gaspard et de Shereen, ce à quoi Lenaë avait bien sûr répondu que oui. Peut-être avaient-ils eu beaucoup de respect pour son père à une époque, mais à présent ils semblaient écœurés par l'idée qu'un pirate ait quitté la mer pour la campagne – à leurs yeux, c'était le déshonneur ultime pour un homme de la côte. Lenaë se fit donc surnommer « la Campagnarde » par le reste de l'équipage, ce qu'étrangement la jeune femme prenait plutôt bien. Elle appréciait l'idée d'e représenter une « figure » sur la Flèche, comme on a un boiteux, une brute, un gnome... Et malgré ce que les pirates pouvaient penser d'elle, de son côté Lenaë éprouvait beaucoup de sympathie pour eux. Elle trouvait que leurs bizarreries et leurs grossièretés les rendait attachants, et se doutait que tous ces types n'avaient sûrement pas connu une vie aussi facile que la sienne et pourtant avaient su rester forts. Enfin, la solitude de Lenaë cessa lorsqu'elle fut approchée par une autre figure du bateau, l'Ancien – qui justement était rejeté à cause de son âge. De son vrai nom Douglas, dit Doug, il était toujours accompagné par une mouette irascible perchée sur son épaule et baptisée Coquille. Dès ses premières paroles : « Salut, Elena c'est ça ? Moi, c'est Doug... Je suis de la campagne moi aussi, tu sais... », Lenaë décida qu'elle l'appréciait déjà. La compagnie de Doug et Coquille fut d'un grand soutien à Lenaë au cours de la première semaine de navigation : en effet, la vigie n'apercevait pas le moindre bateau à piller à l'horizon. Ne pouvant étancher leur soif de violence, les pirates se montraient alors très grognons. « Maudite soit la Campagnarde qui nous ramène sa poisse de campagnard de sa stupide campagne » répétaient-ils dans leur colère. Nolan dut finalement remarquer les gentillesses proférées à l'égard de sa nièce car il se mit à la convoquer de plus en plus fréquemment dans sa cabine, lui demandant à chaque fois si tout allait bien, ce à quoi Lenaë répondait toujours oui. Mais Nolan n'était pas dupe et il se promit de faire plus attention à la fille de son frère à l'avenir. La délivrance arriva au bout du dixième jour, alors que les flots étaient agités, sous la forme d'un navire de marchandises narnien. L'euphorie se propagea parmi l'équipage comme une traînée de poudre, mais tous retrouvèrent bien vite leur professionnalisme de brigands. Lenaë put alors assister à un abordage dans les règles de l'art pirate : tout d'abord, le pavillon noir habituel fut remplacé par un drapeau aux couleurs d'Archenland et des caisses vides furent placées sur le pont. Il s'agissait ici de figurer un bateau marchand en détresse, et pour cela les trois quarts des matelots allèrent se cacher dans les cales tandis que ceux demeurés sur le pont, comme Lenaë et Doug, étaient censés gesticuler comme s'ils appelaient à l'aide – quand en réalité ils jubilaient – de façon à attirer les Narniens. Quand le bateau narnien fut suffisamment proche, des grappins furent lancés pour l'empêcher de s'éloigner et le pavillon noir retrouva sa place usuelle, signifiant à l'équipage en face qu'ils venaient de tomber dans une embuscade. Les marins restés cachés jaillirent alors des cales tels un raz-de-marée dévastateur, des cris de guerre à vous glacer le sang fusant de toutes parts. Lenaë, déjà terriblement angoissée alors qu'elle se trouvait parmi ceux qui inspiraient la crainte, n'imaginait pas l'état dans lequel devaient se trouver les gens de l'autre côté. Une bonne quinzaine de matelots s'employaient à tirer sur les cordes liées aux grappins de toutes leurs forces de manière à accoler les deux navires, ce qui arriva bien plus vite que ce qu'aurait souhaité Lenaë. En face, les matelots narniens se positionnaient à l'avant de leur navire, les armes à la main. Et tout autour d'elle, Lenaë sentait ses comparses trépigner d'impatience à l'idée d'en découdre et dégoter de belles caisses d'or et d'argent. Elle sentit quelqu'un poser une main sur son épaule et lui murmurer de faire attention avant de rejoindre les devants du navire ; il s'agissait bien entendu de Nolan qui prenait sa place de capitaine. Doug, qui l'avait entendu, renchérit : « Bonne chance, Lena. », suivi par un petit cri approbateur de Coquille. « Bonne chance, Doug et Coquille ! » leur souhaita également la jeune femme en s'efforçant de sourire, et elle serra fermement son poignard entre ses paumes tout en tentant de réguler sa respiration et son rythme cardiaque. Une secousse annonça que les deux navires venaient d'entrer en collision : déjà, les Narniens s'agitaient et passaient par-dessus la barrière du pont – le bastingage – pour rejoindre la Flèche. « Avec moi, frères et sœurs ! » clama ardemment le capitaine, bien vite repris avec autant d'enthousiasme par tous ses marins, même Lenaë dont les genoux s'entrechoquaient sous l'effet de la peur. Les deux équipages se donnèrent l'assaut et ce fut le chaos total. Une marée humaine envahit bientôt le pont du navire et submergea Lenaë. Autour de la jeune femme, les fers s'entrecroisaient, les cris de hargne et de douleur retentissaient et, elle en était persuadée, la mer devenait plus violente au même rythme que les hommes. Malheureusement, elle perdit bien vite de vue Doug et Coquille, mais elle eut l'occasion de voir avant cela que le vieil homme se débrouillait encore très bien avec son sabre et que sa mouette lui était d'un grand secours pour déstabiliser ses adversaires, ce qui réussit à la rassurer. Pour l'instant, tous les Narniens semblaient avoir trouver un opposant sur la Flèche si bien que Lenaë se contentait de circuler en cherchant à venir en aide à quelqu'un de son équipage tout en prenant garde à ne pas recevoir un coup d'épée en pleine face. Elle se révéla partout d'une grande inutilité, assistant à des combats féroces qui témoignaient de l'avidité des membres du clan Darröw pour le combat. Mais il n'y avait pas que ça : Lenaë remarqua que deux types et une femme très vifs de son équipage semblaient l'encadrer depuis le début de l'assaut, comme s'ils la couvraient. Elle comprit aussitôt qu'il devait s'agir d'une idée de son oncle et, agacée, tenta d'échapper à leur vigilance afin de pouvoir pour une fois faire ses preuves. Ce fut peine perdue jusqu'à un moment où certains de ses camarades, menés par Nolan, réussirent à s'infiltrer sur le bateau marchand, provoquant un redoublement d'agressivité chez les Narniens. Ces marins n'étaient sûrement pas aussi expérimentés en duel que les Archenlandais mais ils ne manquaient pas de puissance : l'instinct de survie aidait beaucoup de ce côté. Ils parvenaient à opposer une sacrée résistance aux pirates et les corps ne tardèrent pas à tomber des deux côtés. Les trois chaperons de Lenaë se retrouvèrent bien vite débordés à leur tour et pensant qu'ils s'en sortiraient, la jeune femme profita de sa petite stature pour se faufiler entre les combattants et rejoindre son oncle sur le bateau d'en face. Alors qu'elle passait par-dessus le bastingage, quelqu'un s'accrocha à sa jambe et la fit violemment basculer sur le pont narnien avec un « Je t'ai eue, pirate ! très impoli. La jeune femme se retrouva clouée au sol, la lame d'une épée braquée sur son cou pour l'empêcher de faire le moindre geste. Sa main tâtonna à la recherche de son poignard, mais il était introuvable. Désespérée et effrayée, elle releva la tête vers son assaillant qui semblait très fier de sa capture jusqu'à ce qu'il croise son regard et change totalement d'attitude. « Par Aslan ! Pardonnez-moi, mademoiselle ! » bredouilla le Narnien, qui avait sûrement dû remarquer sa robe et l'aida à se redresser, laissant Lenaë sans voix. « Est-ce que ces monstres vous ont capturée ? Vous cherchiez à vous enfuir ? » Jugeant que mieux valait jouer le jeu pour l'instant, en tout cas tant qu'elle serait désarmée, Lenaë acquiesça et fit mine d'être bouleversée. Le marin, qui avait l'air d'un brave homme, la prit par l'épaule dans le but de l'éloigner des affrontements. Pendant qu'il la guidait, Lenaë regardait tout autour d'elle, affolée, à la recherche de son poignard. Elle finit par mettre la main dessus – il était dans sa poche ! ce sont des choses qui arrivent... Et ce fut exactement à ce moment-là que son oncle la vit s'éloigner avec un ennemi et, effrayé, courut vers elle. « Lenaë ! Qu'est-ce que tu fabriques ?! » beugla-t-il à son encontre. Par réflexe, la jeune femme se tourna vers lui, ce qui fit découvrir la supercherie au marin. La main de celui-ci se resserra sur son épaule et il lui adressa un regard glacial, puis sa seconde main se dirigea vers l'épée qu'il portait à la ceinture. Lenaë dut réagir très vite : soit il avait le temps de dégainer et pouvait ainsi la tuer, la blesser ou l'utiliser comme otage ; soit c'était elle qui frappait la première. Son choix ne fut pas long à faire : la jeune femme extirpa vivement son poignard de sa poche et porta un premier coup au bras du Narnien afin de l'empêcher de prendre son épée. Après avoir brièvement crié de douleur, le marin tenta d'utiliser son autre bras pour se défendre. Paniquée, Lenaë frappa une deuxième fois le plus fort qu'elle put et cette fois-ci, toucha la poitrine au niveau du cœur. Le regard de l'homme se mua en la chose la plus effrayante que Lenaë ait jamais vue : c'était un mélange de haine, de terreur et de tristesse. Il resta figé pendant quelques instants à la jauger de cet air bouleversant puis s'écroula sur le sol, raide mort. Horrifiée par ce qu'elle venait de faire, la jeune femme manqua de défaillir en voyant que du sang avait éclaboussé ses vêtements et dégoulinait de sa lame. Son oncle la rattrapa à temps et lui murmura des paroles rassurantes : « Ne t'en fais pas, Lenaë, je suis là. ». Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce pauvre homme qui avait voulu l'aider et qu'elle avait assassiné, alors qu'il avait sûrement une famille et des amis qui l'attendaient sur la terre ferme... Pour la première fois, elle avait pleinement conscience de ce qu'être pirate représentait : causer la mort, le malheur et la douleur partout où on allait. Était-ce vraiment ce qu'elle souhaitait ? Sûrement pas. Ce qu'elle voulait, c'était gagner de l'argent pour aider sa famille, voguer sur les mers et passer du temps avec son oncle ; piller, tuer et blesser n'étaient pas sa priorité. Mais elle l'avait quand même fait : tuer, un acte qui allait à l'encontre de son éducation, de ses valeurs et de tout ce qu'elle était. Et le visage de celui à qui elle avait ôté la vie la hanterait pour toujours. « Si ce n'avait pas été lui, ç'aurait été toi, Lenaë. Je préfère que ce soit ainsi, et toi aussi je pense... Viens, nous ne pouvons pas rester là. Nous devons aider les autres avec le butin. » poursuivit Nolan en l'obligeant à détacher son regard du corps qui gisait par terre. Il nettoya ensuite la lame du poignard avec un pan de sa tunique pour que le sang cesse d'obnubiler Lenaë. Après avoir adressé un pardon silencieux, comme une prière, au défunt et à tous ses proches, la campagnarde suivit son oncle jusqu'aux cabines du vaisseau narnien. Les deux Darröw rencontrèrent d'autres marins sur le chemin et malgré son état second, Lenaë parvint à en neutraliser certains. Elle s'interdit de les tuer, cependant, et son oncle fit de même : ils se contentaient de les assommer, bien que cela fasse déjà assez de mal. Arrivés à destination, sur le pont supérieur, Lenaë remarqua que des pirates de la Flèche la regardaient en souriant. Mais pas un sourire joyeux, non. On voyait qu'ils étaient désolés, voire gênés : ils avaient sûrement vu ce qui s'était produit et semblaient lui témoigner du soutien. « Tu t'es bien battue, la Campagnarde. » la félicita une femme pirate à l'air sincère, mais elle le fit respectueusement, sobrement, sans impliquer que ce qu'elle avait fait était bien. Lenaë hocha la tête pour la remercier ; en d'autres circonstances, elle aurait été fière de cette reconnaissance, c'est ce qu'elle attendait ; mais pas là. Les combats étaient beaucoup plus lents, maintenant, beaucoup d'hommes étaient au sol. Lenaë aperçut avec soulagement Doug, assis sur une caisse du pont inférieur comme pour reprendre son souffle, Coquille fidèlement perchée sur son épaule. Alors, avec son oncle Nolan et les autres pirates qui les accompagnaient, la jeune femme pénétra à l'intérieur de la cabine du capitaine narnien pour découvrir les coffres plein de pièces qu'ils avaient tant attendu. Malgré cette grosse prise, les pirates célébrèrent très peu leur victoire ce soir-là. Il y avait eu trop de pertes des deux côtés. Les Narniens, qui se trouvaient quand même en nombre largement inférieur, avaient fini par être dépassés et avaient dû se rendre. Ils durent repartir avec le tiers de leur équipage en moins, sans compter les innombrables blessés, et dépouillés de la presque totalité de leurs marchandises. Quant aux pirates, ils devaient dénombrer une quinzaine de morts et un nombre conséquent de blessés, ce qui n'était pas rien. Plutôt que de poursuivre leur aventure, ce qu'ils auraient choisi normalement, tous les membres de l'équipage sans exception votèrent pour rentrer au port. La fin de la traversée se fit dans une ambiance morose. Malgré les consolations de Doug et de son oncle Nolan ainsi que le respect acquis auprès du reste de l'équipage, qui avait appris ce qu'elle avait fait et ne disait plus « la Campagnarde qu'avec une grande considération, Lenaë se sentait vide et pressée de rentrer. On lui raconta à maintes reprises que la première mort donnée était toujours la plus dure pour un pirate, cependant Lenaë n'avait en aucun cas l'intention de tuer à nouveau et ces conseils avaient plutôt l'effet de la dégoûter davantage alors on la laissa tranquille. L'équipage de la Flèche atteignit le port avec un soulagement immense et après avoir communiqué son lieu de résidence à son ami Doug, Lenaë regagna sa chambre à la Jambe de Bois Plaquée Or en toute hâte. Là-bas, elle fit brûler son châle, celui qui avait été taché par le sang du Narnien et qu'elle ne supportait plus de voir : c'était comme porter son crime sur les épaules, et au sens propre. Son seul réconfort était d'avoir gagné sa part du butin qu'elle pouvait maintenant envoyer à ses parents comme elle l'avait promis. Elle le leur fit parvenir à l'aide de Nolan qui avait toujours des « gars » comme il les appelait, à surveiller le village où vivaient ses parents. Le capitaine, d'ailleurs, lui rendit visite fréquemment pour s'assurer qu'elle allait bien. Ce fut également le cas de Doug qui n'habitait pas très loin de l'auberge, et plus curieusement de ses grands-parents. Lenaë en conclut que Nolan avait dû leur raconter l'histoire et que, pris de compassion pour elle, ils s'étaient soudainement adoucis. La jeune femme appréciait qu'on veuille l'aider mais pendant longtemps, elle préféra la solitude. Elle passait alors beaucoup de temps à la plage, à se promener au bord de l'eau ou à se baigner pour se changer les idées. Mais elle n'avait plus autant de goût pour la mer qui lui semblait maintenant grise et triste, tout comme elle. Un jour, son oncle Nolan vint lui faire une proposition ayant le potentiel de lui redonner le sourire. Il la trouva comme une petite vieille, en train de filer la laine à l'aide d'une quenouille et d'un fuseau devant la cheminée de l'auberge. En effet, afin de ne pas demeurer éternellement une charge pour ses grands-parents qui lui payaient sa chambre à la Jambe de Bois Plaquée Or, Lenaë avait proposé ses services à une minuscule boutique de tissus de la ville. Ce jour-là, sa tâche consistait à assembler des fibres à l'aide du matériel qu'on lui avait fourni dans le but de produire du fil qui servirait ensuite à confectionner une étoffe. Rien de bien enthousiasmant en somme, et la présence de Nolan apporta à Lenaë une distraction bienvenue. « Alors finalement, tu préfères tisser à naviguer ? » lui demanda-t-il d'un ton railleur. « Bien sûr que non ! », soupira la jeune femme, « mais je ne pense pas que la piraterie soit vraiment faite pour moi.. « Eh bien je suis ravi de t'entendre dire ça ! » s'exclama son oncle avec un large sourire. Lenaë cessa son travail et haussa un sourcil, s'interrogeant sur la façon dont elle devait le prendre. S'il insinuait qu'elle avait été une charge pour lui, elle lui embrocherait bien le pied avec son fuseau tant elle était de mauvaise humeur. « Vraiment ?. « Oui oui » insista son oncle, « en fait, je souhaitais te parler de quelque chose qui pourrait te plaire... Vois-tu, je connais bien l'océan et malgré mon statut de pirate qui devrait me donner une image exécrable aux yeux des riches, des gens hauts-placés dans notre pays font souvent appel à moi pour des affaires maritimes... C'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement ferme les yeux sur les activités illicites pratiquées dans cette ville, d'ailleurs... As-tu déjà entendu parler des expéditions menées par les royaumes ?». Lenaë acquiesça, intriguée. Elle n'était nullement étonnée par les révélations de son oncle. Beaucoup en ville louaient les mérites de navigateur du Capitaine Darröw, et peut-être était-il pirate mais aux yeux de Lenaë, il avait l'âme plus noble que bien des rois. Même si elle n'en connaissait aucun, c'était un fait... « Eh bien, » poursuivit Nolan, « d'ici deux jours, je serai parti à bord de l'un de ces navires d'exploration... Je me disais que tu aimerais peut-être en faire partie. Pas de cette expédition-ci puisque cela impliquerait des changements de dernière minute pas vraiment bienvenus, mais un peu plus tard... Ça te plairait ? ». En guise de réponse, Lenaë sauta au cou de son oncle et l'enlaça très fort. C'était la première fois qu'elle lui témoignait une telle preuve d'affection, mais il fallait qu'elle montre à quel point elle lui était reconnaissante de tout ce qu'il avait fait pour elle. L'oncle Nolan sourit, visiblement content de la réaction de sa nièce : « Très bien, je vais prendre cela pour un oui. ». Pendant le reste de la journée, il lui relata ses précédentes expéditions. Ses récits passionnants rappelaient à la jeune femme ceux de ses parents lorsqu'elle était petite, et elle comprit alors à quel point une figure parentale lui manquait. Elle fut donc profondément attristée par le départ de son oncle, le surlendemain, mais se consola en songeant qu'à son retour, il pourrait lui raconter de nouvelles histoires palpitantes et ensuite, elle aurait elle aussi la chance de partir à l'aventure. Cette perspective rendit l'attente bien moins pénible pour Lenaë. Même le tissage (oui, MÊME le tissage !) ne lui semblait plus si ennuyeux puisque durant son travail, le calme ambiant lui laissait amplement le loisir de rêver à toutes les péripéties qu'elle pourrait connaître. Ses gènes de pirate réclamaient sans cesse de nouveaux lieux à visiter, des trésors à découvrir, d'autres voyages en bateau... La mer manquait à Lenaë, mais elle ne pouvait se résoudre à reprendre la piraterie en attendant le retour de son oncle : la raison était qu'elle ne s'en sentait pas capable. Elle avait en fait développé une véritable phobie du sang depuis que celui du marin narnien avait éclaboussé ses vêtements. C'est-à-dire qu'elle pouvait très bien supporter la vue du sien – et heureusement pour une fille – mais voir celui des autres personnes couler lui était intenable. Or, sur un bateau pirate et en particulier lors d'un abordage, cet inconvénient ne serait pas facile à vivre... Les expéditions étaient la meilleure solution pour elle, et Lenaë devait donc attendre le retour de son oncle. Et c'est ce qu'elle fit... Un mois, deux mois, trois mois passèrent sans que le navire ne refasse son apparition mais la jeune femme ne s'en souciait guère, les expéditions durant toujours très longtemps. Pourtant, un jour, ses grands-parents effondrés vinrent lui apprendre que des pêcheurs avaient retrouvé au large les débris du bateau... Apparemment, il avait essuyé une violente tempête et personne n'avait survécu. Pas même Nolan, même si cela semblait impossible aux yeux de Lenaë. Cette nouvelle l'anéantit complètement. Après la disparition de sa sœur, Lenaë n'avait plus eu personne à admirer, plus de personne à laquelle elle aurait aspiré ressembler un jour... Jusqu'à ce qu'elle rencontre son oncle, ce grand capitaine respecté de tous, qui lui aussi était parti maintenant. C'était injuste. Il était allé en expédition, pas en sortie avec les pirates, rien n'aurait dû lui arriver... Alors Lenaë comprit qu'il n'y avait pas que les hommes qui tuaient quand on voguait sur l'océan. La mer le faisait très bien également. Lenaë avait peut-être pris la vie d'un homme qui ne le méritait pas quelques mois auparavant, mais si elle ne l'avait pas fait, la mer aurait pu le faire à sa place. La mer était pire que tous les pirates : elle pillait et tuait elle aussi, mais tout le monde trouvait cela normal. Dire qu'elle était l'objet de tous les rêves de Lenaë un peu plus tôt... La jeune femme se sentait trahie. C'était idiot, la mer n'était pas une personne, mais c'était tout comme pour quelqu'un de la côte. Lenaë sentit le besoin de s'en éloigner ; elle ne pouvait rester vivre plus longtemps à quelques mètres de l'assassin de son oncle et de tant d'hommes et de femmes : cette idée la révulsait. Ainsi Lenaë décida de s'en aller de cette ville de pirates. Elle resta auprès de ses grands-parents afin de les soutenir pendant quelques jours ; ils affichaient une grande solidité mais il n'était pas difficile de deviner que la perte de leur fils chéri les déchirait. Beaucoup de pirates vinrent témoigner leurs hommages à la famille, y compris Doug qui tenta par la même occasion de consoler Lenaë. La jeune femme était très émue de voir toutes ces personnes pleurer son oncle, lui prouver que c'était vraiment une personne merveilleuse qu'elle avait eu raison d'admirer. Mais de ressentir tout cet amour pour un être disparu la rendait encore plus triste. Cela précipita son départ : elle informa ses grands-parents et Doug qu'elle avait besoin de faire une pause loin de l'univers pirate sans savoir pour combien de temps. Elle avait conscience qu'elle leur faisait de la peine mais rester était au-dessus de ses forces. Lenaë quitta le port le lendemain des funérailles de son oncle, alors que toute la ville faisait le deuil du bien-aimé capitaine, avec pour direction sa campagne natale. Après tout ce temps, Lenaë rentrait à la maison.
PARTIE 5 AU DESSOUS |
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Sam 26 Juil - 20:01 | |
| Bienvenue ! Encore une jolie demoiselle ! |
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Lun 28 Juil - 21:21 | |
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Mar 29 Juil - 23:22 | |
| Oh Ash merciii, trop mignonne Mais pas plus que toi bien sûr *-* (on dirait les commentaires d'une photo de profil Facebook ) MA SOEUUUUUUUUUUUUR Que c'est gentil, merci *-* Oui, une fois de plus, des soeurs Et j'en suis raaaavie moi aussi Je t'aime aussi Et oui j'ai hâte à notre rp Nous avons à causer PARTIE 5 - Spoiler:
Partie 5 : Les allées-retours entre la mer et la campagne et une nouvelle alliée Pendant les quelques jours qui suivirent son arrivée, la relation entre Lenaë et ses parents fut un peu tendue. La raison était qu'elle n'avait pas montré assez d'enthousiasme au goût de son père et de sa mère lors de leurs retrouvailles. Et puis, ils voyaient bien qu'elle leur cachait quelque chose ; son éloignement de la maison semblait l'avoir grandement changée. Lenaë aurait vraiment aimé se confier à eux. Elle en avait besoin. Tout ce qu'elle avait vécu à Hauterive lui pesait lourd sur le cœur, mais ses mensonges l'empêchaient de se libérer de ce poids sous peine de profondément blesser ses parents. Pourtant, elle avait chaque jour plus de mal à se retenir d'annoncer à son père que son frère était mort, lui qui en était si proche autrefois... Elle lui aurait dit, pour qu'il ne soit pas trop triste, à quel point elle avait trouvé Nolan fantastique, et que tout le monde au port le respectait et l'avait pleuré. La jeune femme voulait aussi partager avec ses parents ses ressentis sur la piraterie ; les joies, les peines et les frayeurs que lui avaient causé la mer... Mais elle ne pouvait pas. La meilleure personne pour en parler était Aurore, qui n'était plus là. Et Lenaë aurait pu écrire à Doug, mais ses parents se seraient doutés de quelque chose. Alors, pour donner une explication à son mal-être, la jeune femme inventa de nouveaux mensonges, s'embourbant davantage dans le pétrin. Elle raconta qu'à Anvard, les gens l'avaient traitée comme inférieure à eux, comme une « plouc », et que tout ce mépris l'avait affectée au point de la pousser à partir. C'était un mensonge odieux, elle le savait – surtout qu'elle n'avait rencontré aucun Anvardien pendant son périple – et ne se sentit que plus mal face à la compassion et à la révolte témoignées par ses parents. Ils ne manquèrent pas de faire circuler la nouvelle dans tout le village, si bien que les anciens, dont l'une des activités favorites consiste à critiquer les gens de la capitale, s'en donnèrent à cœur joie : « Ne t'en fais pas, Lenaë, ces Anvardiens ce sont tous des péteux. Anvardoches, ouais ! Toujours à mal traiter les braves types des campagnes alors qu'on vaut bien mieux qu'eux ! ». Complètement désespérée et prête à exploser intérieurement, Lenaë finit par trouver une sorte de thérapie contre son silence contraint : le tissage. En effet, grâce à l'argent qu'elle avait envoyé, Gaspard et Shereen avaient achevé la reconstruction du magasin et investi dans un métier à tisser pour la remercier. Lenaë passa alors presque tout son temps dessus, confectionnant des tapisseries ayant pour sujets quelques-uns de ses souvenirs. Cet engouement pour la mer surprit ses parents, mais ils l'attribuèrent aux histoires qu'ils lui racontaient petite. Ses créations leur plurent d'ailleurs beaucoup, si bien qu'ils décidèrent d'exposer puis vendre son travail dans la boutique. Les tapisseries partirent très vite, ce qui redonna courage à Lenaë et convainquit ses parents de lui laisser plus de responsabilités. Ainsi, quelques fois par semaines, ils lui confiaient la surveillance de la boutique pendant qu'ils allaient faire un tour. Cet agencement les arrangeait bien car en plus de leur accorder un peu de temps libre, cela leur permettait de garder plus longtemps leur enfant auprès d'eux... De son côté, Lenaë appréciait que ses parents semblent enfin avoir compris qu'elle avait grandi en une personne autonome, cependant elle s'ennuyait et Hauterive lui manquait énormément malgré tout. Heureusement, cette situation n'allait pas durer... Il s'agissait d'une de ces périodes creuses que connaissent malheureusement tous les commerçants : les jours où les rares personnes qui passent dans le magasin ne sont même pas des clients. Lors de ces accalmies, Lenaë se vautrait sur le comptoir et rêvait à de nouveaux voyages en mer – qui sait si elle en ferait jamais d'autres, car son courage semblait l'avoir abandonnée... Elle avait bien compté : cela faisait déjà six mois qu'elle était rentrée chez elle, six mois que son oncle était mort et qu'elle avait quitté la vie pirate. Elle se demandait si ce n'était pas mieux ainsi pour tout le monde après tout, et finit par se persuader que, malgré l'ennui, une vie de tisserande lui suffirait sûrement. Pourtant, cette idée ne l'enchantait guère, et elle n'eut pas longtemps l'occasion de se tourmenter avec cela car la cloche du magasin retentit. Lenaë sursauta et se redressa de façon à adopter une allure convenable pour accueillir son client avec un agréable « Bonjour ! ». Elle vit alors apparaître à la porte une jeune femme d'environ son âge que Lenaë n'avait jamais vue, ce qui l'étonna beaucoup car on ne rencontrait jamais au magasin que des habitants des environs – d'où les faibles revenus du commerce. Il fallait rappeler que Lenaë vivait dans un trou perdu qui n'intéressait pas le moindre voyageur... Intriguée et légèrement méfiante, la jeune femme surveilla discrètement la nouvelle venue. Et alors, elle la surprit en train de voler une pièce de tissu. Tout d'abord révoltée, Lenaë sortit de derrière le comptoir, son poignard dans la poche – non pas qu'elle prévoyait de punir la voleuse, les campagnards n'étant pas à ce point barbares, mais le prenait comme moyen de défense au cas où – et rejoignit vivement la « cliente sans intention de payer ». Ce qu'elle avait pris ne valait pas très cher, mais après tous les efforts réunis par les Darröw et leurs voisins pour remettre le magasin en état, Lenaë jugeait un tel acte répugnant. Elle s'apprêtait à faire ces remontrances à haute voix à la voleuse avant de la chasser du village quand elle croisa le regard de celle-ci et changea aussitôt d'avis. Les yeux de l'inconnue témoignaient d'un passé douloureux ; Lenaë avait si souvent observé ce regard chez les pirates qu'elle ne pouvait se tromper. Il y avait forcément une raison à ce que la jeune femme en face d'elle ait tenté de dérober une étoffe ; plutôt que de lui attirer des problèmes et la contraindre à poursuivre dans cette voie, Lenaë préféra lui apporter son aide. Tout en lui souriant de la façon la plus rassurante possible, elle lui demanda de reposer le bout de tissu, ferma le magasin puis l'invita à manger dans la cuisine située en arrière-boutique. Son geste sembla beaucoup surprendre l'inconnue, ce qui était compréhensible, mais Lenaë insista : elle devinait que la jeune femme n'avait pas mangé à sa faim depuis trop longtemps. La barrière de gêne érigée entre les deux filles ne tarda pas à tomber une fois que l'inconnue fut rassasiée. Elles entamèrent alors une longue conversation au cours de laquelle Lenaë apprit le nom de son interlocutrice : Olivia Corydallis. Olivia lui dévoila également quelques bribes de son histoire, mais pas plus puisqu'elles venaient à peine de faire connaissance. Cela suffit amplement à Lenaë pour se construire une opinion à son sujet. Elle jugeait que de la jeune femme émanaient beaucoup de force et d'honnêteté, et pas une seconde elle ne douta de la véracité de son récit pourtant bouleversant. En effet, Olivia lui expliqua que suite à des problèmes familiaux, elle s'était retrouvée à la rue et peinait à survivre depuis. Ayant décidé qu'elle aimait déjà Olivia et lui faisait entièrement confiance, Lenaë prit l'initiative de ne pas seulement lui offrir un repas, mais également un logis, un travail et des amis. Cela ne coûtait pas grand chose et contribuait à rendre une vie meilleure – de plus, Lenaë était certaine que la venue d'Olivia embellirait sa vie à elle et celle de ses parents. En parlant d'eux, il fallait d'ailleurs qu'elle leur fasse part de son projet avant de s'emballer trop vite... Et c'est ce que Lenaë fit. Laissant Olivia se débarbouiller dans la salle de bain, la campagnarde courut chercher son père et sa mère qu'elle trouva en train de flâner dans les champs. Sa requête insolite les effara, mais leur nature de pirate les avait dotés de solidarité et de compassion envers leurs frères et sœurs en difficulté. Ils acceptèrent donc avec plaisir, bien que cela puisse sembler aberrant aux yeux de la plupart des personnes. Il fut décidé qu'Olivia occuperait la chambre laissée vide par la disparition d'Aurore et qu'elle gagnerait son propre argent en échange d'un coup de main au magasin. Lenaë fut ravie d'annoncer le verdict à sa nouvelle amie qui bien sûr en fut très surprise ; tout cela avait été entendu en tout juste le temps pour elle de prendre un bain. Les choix entrepris de façon impulsive sont toujours soit catastrophiques, soit très bons : dans le cas présent, il s'avéra excellent. Comme Lenaë l'avait imaginé, la venue d'Olivia apporta beaucoup à sa famille à de nombreux points de vue. Financièrement en premier lieu : en effet, la curiosité poussait les habitants du coin à venir voir la nouvelle protégée des Darröw au magasin, puis le sens du devoir les faisait acheter quelque chose afin de ne pas paraître grossier. Culturellement en second lieu, puisque entendre des nouvelles du monde extérieur quand on a vécu dans un village isolé de tout pendant vingt ans ne peut être que bénéfique. Et finalement, au niveau relationnel, et c'était le plus important. En effet, les trois Darröw attachaient tant d'importance à faire sentir à Olivia qu'elle était la bienvenue chez eux que cela leur permit de renouer entre eux les liens que le départ de Lenaë avait rompus. Cette nouvelle amitié avec Olivia rendit sa joie de vivre à Lenaë. Elle retrouva grâce à la Narnienne une complicité qu'elle n'avait plus connue depuis la disparition d'Aurore, ce qui avait laissé un grand vide dans son cœur. Bien sûr, Olivia n'était pas sa sœur, mais cela ne l'empêchait pas de compter énormément à ses yeux. Les deux jeunes femmes passaient le plus clair de leur temps ensemble, ce qui amena à les rapprocher en peu de temps. En effet, tous les après-midi, Lenaë était chargée d'apprendre les rudiments du tissage à Olivia dans l'arrière-boutique. Naturellement, elles privilégiaient le bavardage au travail et apprirent ainsi beaucoup de choses l'une sur l'autre. Olivia lui avoua ainsi appartenir à une famille de nobles narniens qu'elle avait quittée suite au départ de ses deux grands frères et à sa mésentente avec son père, alors que sa mère était décédée. De son côté, ravie d'avoir trouvé la confidente tant attendue en Olivia, Lenaë ne se fit pas prier pour lui raconter ses aventures à Hauterive. Au fil de ses récits, la jeune femme se rendit compte d'à quel point cette vie lui manquait. La nostalgie submergea Lenaë comme la mer submerge un bateau qui fait naufrage ; elle n'avait aucune chance d'y échapper. Il était vrai qu'elle avait ressenti un besoin urgent de la quitter, quelques mois plus tôt, mais à ce moment-là, la mort de son oncle l'avait brisée. A présent, Lenaë ne désirait plus que revoir la mer houleuse et les maisons insalubres de Hauterive, sentir à nouveau les odeurs de sel et d'urine qui embaumaient les rues, entendre les cris perçants de Coquille et le gros rire du vieux Doug, discuter de sujets qui fâchent avec ses grands-parents et marcher pieds nus au bord de l'eau, alors que le sable de la plage se collerait entre ses orteils. C'est alors qu'Olivia lui exprima son intérêt pour la navigation, et une idée folle prit Lenaë. Pourquoi ne pas retourner à Hauterive, mais cette fois-ci avec Olivia ? Il était clair et net qu'une vie aventureuse plairait davantage à la Narnienne, qui n'était assurément pas du genre à rester assise toute la journée. Or, c'était un peu le principe du tissage, et Lenaë ne tenait pas à ce que son amie meure d'ennui par sa faute. Avant de lui faire part de son idée, elle réfléchit aux conséquences que cela engrangerait. D'abord, il faudrait encore mentir à ses parents – mais bon, au point où elle en était... Ensuite, elles devraient trouver un moyen de gagner de l'argent là-bas. Comme tisserandes ? En dernier recours, oui, mais il y avait tant de choses plus intéressantes à faire au bord de la mer. La piraterie, par exemple... Mais c'était tellement dangereux, et Lenaë n'était pas sûre d'être capable de recommencer. D'abord, son oncle Nolan n'était plus là : il était certain que son absence serait difficile à tenir, surtout à bord du bateau... De plus, Lenaë songea que même lorsqu'elle bénéficiait de la protection du capitaine, les pirates n'avaient pas hésité à la railler. Alors que se passerait-il sans lui, surtout après un séjour à la campagne, honte ultime pour un marin ? Se posait aussi le problème de sa phobie du sang, et le fait qu'elle refuse de tuer qui que ce soit alors que le souvenir du marin narnien la hantait toujours. Bref, c'était mal parti. Mais en regardant Olivia, Lenaë se sentait reprendre du courage. C'était exactement ce dont elle manquait : de la confiance. Elle avait besoin d'une personnalité flamboyante qui l'aiderait à croire en la réussite, et avec Aurore, Olivia était sûrement la meilleure personne pour cela. La Narnienne serait donc la parfaite partenaire pirate, encore fallait-il que l'idée lui plaise. Prise d'un élan de hardiesse, Lenaë posa la question fatidique : « Hum, Olivia, dis-moi... Tu n'aurais jamais songé à devenir pirate, par hasard ? ». Et à sa grande joie, son amie lui répondit positivement. Et le petit manège de Lenaë repartit pour un tour. Cette fois-ci encore, elle transforma la vérité à ses parents : elle aurait décidé de retenter sa chance à Anvard, se sentant plus forte en compagnie d'Olivia. Les réactions des vieux villageois ne se firent pas attendre : « Allez-y, les petites, mettez-leur la pâté à ces snobs ! ». Gaspard et Shereen, en revanche, se montrèrent plus perplexes. « Tu es vraiment sûre ? Ce n'est pas un milieu facile, et Olivia et toi n'avez pas une expérience assez élevée pour percer... » répétaient-ils inlassablement. « Faites-moi confiance ! » soupirait Lenaë, atteignant au passage le summum de l'hypocrisie. Malgré leurs suspicions, monsieur et madame Darröw finirent par céder. Lenaë et Olivia quittèrent alors le village avec pour destination secrète Hauterive, guidées par un cocher qui se trouvait être un des « gars » du feu capitaine, toujours au poste malgré tout. Rencontrer cet homme encore loyal à son oncle malgré la mort émut beaucoup Lenaë, et elle le remercia chaudement pour la grande aide qu'il leur apportait. L'entreprise de Lenaë et Olivia s'annonçait donc bien. Pendant le trajet, l'Archenlandaise expliqua son plan (peu étoffé) à son amie. A leur arrivée, elles iraient tout de suite poser leurs bagages à la meilleure auberge de la ville – et également la seule que Lenaë connaisse – la Jambe de Bois Plaquée Or, puis devraient trouver Doug ou les grands-parents Darröw. Cette partie serait facile, mais la suivante beaucoup moins : convaincre les pirates de laisser Olivia et elle tenter leur chance sur la Flèche – le bateau des Darröw, donc. Et c'était tout. Lenaë estimait qu'elles arriveraient à se débrouiller selon la réponse qu'ils donneraient. Elle était, on peut le dire, complètement inconsciente et n'imaginait même pas tous les problèmes – y compris la mort – qu'elle pouvait attirer à son amie. Mais c'était Lenaë : elle ne voyait que les bons côtés des choses jusqu'à ce qu'il ne soit trop tard. Elle était d'ailleurs si enthousiaste qu'elle passa le reste du voyage – c'est-à-dire plusieurs heures – à parler de Hauterive à la pauvre Olivia, des étoiles plein les yeux. Elle lui avait déjà dressé le portrait de toutes ses connaissances là-bas mais se sentit obligée de recommencer afin que son amie soit vraiment imprégnée par l'ambiance pirate, et en entrant bien dans les détails cette fois-ci. Enfin, elles atteignirent Hauterive avec les compliments du « gars » de Nolan. Surexcitée, Lenaë s'évertua à jouer les guides exemplaires pour Olivia, à qui elle fit découvrir la ville comme s'il s'agissait de sa précédente destination de vacances. Au lieu de s'attarder sur l'odeur d'urine qui « parfumait » les rues, Lenaë loua les propriétés de l'air marin contre le rhume. Et plutôt que de prévenir son amie que mieux valait se méfier des vagabonds traînant dans le coin, elle nomma tous ceux qu'elle connaissait par leur surnom. « Cette ville est géniale, n'est-ce pas ? » ne cessait-elle de répéter. Ce lieu lui avait vraiment manqué, et elle tenait à ce que son amie l'apprécie autant qu'elle. Elle la guida jusqu'à l'auberge où elles purent louer une chambre et y déposer leurs affaires. Les aubergistes, qui avaient côtoyé Lenaë pendant toute la durée de son dernier séjour, parurent très heureux de la voir et il en fut de même pour la jeune femme. Elle se fit une joie de leur présenter Olivia son « amie, également de la campagne » puis demanda où elle pourrait trouver Doug et ses grands-parents. On lui indiqua une autre taverne du port, la Fesse Crochue, où les deux futures pirates les trouvèrent tous trois attablés avec quelques membres du clan Darröw. Bien qu'elle ne possède pas le charme de la Jambe de Bois Plaquée Or, la Fesse Crochue était bondée, si bien qu'elles passèrent tout d'abord inaperçu. Comme elles se trouvaient au milieu d'une foule de types braillards, saouls et violents, Lenaë craignit qu'Olivia ne soit effrayée ou mal à l'aise, mais la Narnienne affichait comme à son habitude un grand courage que Lenaë admirait par-dessus tout. Elle dut signaler leur présence par un raclement de gorge peu élégant – de toute façon, l'élégance n'avait rien à faire dans le milieu pirate – et enfin, les intéressés leur portèrent attention. « Morbleu ! » s'exclamèrent d'une même voix les vieux Darröw, le vieux Doug et quelques-uns des pirates, jeunes pour leur part. Coquille, qui évidemment accompagnait son maître, si ce n'était pas l'inverse, opta plutôt pour un « Amouah ?!, le cri de mouette traditionnel. « Salut ! » répondit avec éloquence Lenaë. Un peu ralentis par tout l'alcool qu'ils avaient consommé, les pirates tardèrent à réagir et enfin, virent accueillir les deux nouvelles venues comme il se devait. Lenaë fut très heureuse de retrouver Doug, ce qui sembla partagé, mais également ses grands-parents qui, malgré leur manque d'enthousiasme apparent, lui adressèrent un petit sourire. Ils les invitèrent à se joindre à eux puis leur commandèrent à boire. Un silence gêné s'installa sur la tablée, personne ne sachant trop quoi dire. Les pirates semblaient surpris du retour de Lenaë, mais également curieux de savoir qui était la jeune femme qui l'accompagnait. Lenaë s'empressa de faire les présentations : Je vous présente mon amie Olivia. Olivia, voici les pirates dont je t'ai parlé et mes grands-parents, ainsi que Doug et Coquille. ». Darya, la grand-mère, se montra comme à son habitude méfiante : « Contente de te connaître. Je suppose que vous avez quelque chose à nous demander, toutes les deux ? ». « Ah oui, en effet... » acquiesça Lenaë, penaude. Elle ne s'attendait pas à devoir aborder le sujet si tôt, mais les regards intrigués des convives l'incitèrent à se lancer. Une fois cela fait, ses grands-parents conservèrent le silence. C'était peut-être la pire réaction à laquelle se serait attendue Lenaë... Elle échangea un regard paniqué avec Olivia tandis que la plupart des pirates quittaient la table, souhaitant éviter les possibles querelles familiales. « Il se passe toujours un truc quand la Campagnarde est là... Lenaë entendit dire un pirate à son camarade alors qu'il s'éloignait. Seul Doug resta, encourageant les filles du regard. Lenaë fit tout son possible pour paraître sûre d'elle, même si elle ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil inquiets à son amie. « Bien, » dit enfin Marlowe, brisant la tension, « Olivia souhaiterait donc intégrer l'équipage ? ». Lenaë hocha vigoureusement la tête en signe d'approbation. Son grand-père poussa un soupir non dissimulé et reprit : « Il semblerait qu'à chaque fois que tu apparais, nous gagnons un nouveau moussaillon... Je n'y vois pas d'inconvénient, mais Olivia sait-elle se battre ? ». Le cœur de Lenaë fit un bond lorsqu'elle comprit qu'il allait accepter. Elle avait cru comprendre qu'Olivia avait quelques notions en escrime. Et si c'était peu, cela n'importait guère puisqu'elle-même n'avait jamais touché à une arme avant qu'on ne lui confie son poignard, pourtant elle avait bien rejoint le bateau. Lenaë transmit donc la réponse, et cette fois ce fut Darya qui continua à l'adresse de la Narnienne : « Nous te fournirons une arme, il n'y a pas de soucis. En revanche, nous exigeons que tu saches t'en servir avant d'embarquer. Marlowe et moi étant trop vieux pour te donner un enseignement, il te faudra trouver un formateur. ». Lenaë eut un pincement au cœur en songeant que son oncle Nolan aurait été ravi de s'en charger et comprit au regard de sa grand-mère qu'elle avait eu la même réflexion. « Je m'en occuperai ! J'aiderai Olivia avec plaisir. offrit Doug avec sa bonne humeur habituelle. La Campagnarde lui adressa son sourire le plus gratifiant puis se tourna vers Olivia, ravie que l'affaire soit conclue. « Eh bien, tout est en ordre dans ce cas ! déclara Marlowe. « Bienvenue parmi nous, Olivia. Juste une chose : avez-vous un logis ?. Lenaë leur parla de la chambre à l'auberge et ils poussèrent un profond soupir qui la mit mal à l'aise. « Nous possédons un appartement en centre-ville, vous pourrez l'occuper. En attendant de gagner votre vie, nous vous aiderons à payer. ». Ravie que tout se déroule si bien, Lenaë s'autorisa même à embrasser ses grands-parents pour les remercier. Elle eut l'impression d'avoir affaire à des statues tant ils manquèrent de réaction mais n'en tint pas compte – après tout, ils avaient été très gentils avec elle, et ce n'était même pas dans leurs habitudes. Après leur avoir souhaité bonne nuit ainsi qu'à Doug et Coquille, Lenaë et Olivia se retirèrent pour aller se reposer à l'auberge, le voyage ayant été fatiguant. Ils n'avaient pas vraiment eu l'occasion de parler alors Lenaë décida de revenir les voir pendant la semaine, de façon à savoir ce qui s'était passé durant son absence, si tout se passait bien sans Nolan... Mais pour l'instant, la priorité de Lenaë demeurait le bien-être de son amie. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle allait vraiment voguer sur l'océan avec Olivia, et lui faire connaître tout ce qu'elle aimait ici. « Je sais que mes grands-parents ne sont pas très démonstratifs, mais je suis certaine qu'ils t'aiment bien, lui assura-t-elle. Bientôt, la vie de pirate d'Olivia commencerait et Lenaë veillerait à ce qu'elle se déroule au mieux. L'entraînement d'Olivia débuta dès le lendemain. Pendant les premiers jours, Lenaë resta l'encourager et en profita pour prendre des nouvelles de Doug et Coquille. Le vieux pirate lui glissa qu'il décelait un grand potentiel de pirate en son « apprentie » : elle semblait posséder un caractère incroyable et montrait de bonnes aptitudes à l'épée. Cela n'étonna pas le moins du monde Lenaë et lui fit très plaisir également ; elle était très fière d'Olivia et ne manqua pas de le lui dire. Lenaë était maintenant certaine que venir ici avait été une bonne idée. Comme elle se l'était promis, la Campagnarde retourna discuter avec ses grands-parents à plusieurs reprises. Ils eurent ainsi l'occasion d'avoir des échanges plus approfondis. « Et donc, que s'est-il passé durant mon absence ? » leur demanda un jour Lenaë, alors qu'ils étaient assis autour d'un moules-frites, désormais son plat préféré. « Hurmpfh, » fit son grand-père la bouche pleine, avant de se ressaisir : « Pas grand chose. On peut dire que les marins de Hauterive se sont remis lentement de la perte de Nolan... ». Lenaë tressaillit, repensant à ce triste jour. « Et vous, ça va ? Par rapport à Nolan, je veux dire... » « Oui. » répondit vaguement Darya, sans laisser paraître la moindre émotion, fidèle à elle-même. « Mais il nous manque. » ajouta-t-elle gravement. « A moi aussi. J'irai voir sa tombe demain. ». La dernière phrase s'adressait surtout à elle-même. Elle voulait se convaincre d'y aller même si cela l'effrayait. Après un lourd silence pendant lequel le regard de chacun resta focalisé sur sa propre portion de frites, Lenaë énonça à haute voix une pensée qui venait de lui traverser l'esprit : « Au fait, qui a pris sa place de capitaine? . « Il s'appelle Kendall. C'est un gars bien, et il connaît la mer. Il ne vaut pas Nolan, mais... c'est quand même un gars bien. » lui apprit son grand-père, un sourire rassurant aux lèvres. « En revanche, il est sexiste. » ajouta sa femme d'un ton tranchant. « Oh, Darya, ne recommence pas avec ça... » tenta Marlowe. « Si, il l'est. » insista la vieille dame. Elle se tourna ensuite vers Lenaë et planta son regard solennel dans le sien. « Cet homme pense que les femmes n'ont pas leur place sur un bateau. Bien sûr, il n'aura rien à dire sur votre présence à Olivia et toi puisque ton grand-père et moi avons toujours le dernier mot... Mais vous aurez intérêt à prouver votre valeur, sinon il vous en fera baver. » Un frisson parcourut l'échine de Lenaë alors qu'elle songeait à son handicap, dont elle devait d'ailleurs informer les vieux Darröw. « Il risque d'y avoir un problème à ce niveau... Vous savez, depuis que j'ai assassiné ce pauvre marin narnien, eh bien... Je ne supporte plus la vision du sang des autres. Ça me dégoûte, j'ai l'impression de revivre ce moment horrible... Je sais bien que ce n'est pas l'idéal quand on est pirate mais je pensais arriver à me débrouiller, par contre ce problème ne fera qu'abaisser l'opinion que le capitaine a des femmes... Je ne veux pas qu'il me trouve faible, ou qu'il catalogue toutes les femmes comme telles à cause de moi. » Les mains de Lenaë tremblaient à présent, au point de l'empêcher de manger, et elle lutta pour refouler les larmes de honte qui lui montaient aux yeux. Ses grands-parents faisaient toujours preuve de compassion envers leur petite-fille quand elle abordait ce sujet. C'était l'une des rares occasions où ils se montraient tendres avec elle, allant même jusqu'à lui proposer le reste de leur frites. « Ne t'en fais pas, Lenaë la conforta sa grand-mère d'une voix apaisante. « Il est clair que ce n'est pas pratique, mais il y a d'autres façons de prouver ce que l'on vaut que le combat. Les hommes ont souvent tendance à l'oublier, d'ailleurs... Mais tu t'en sortiras. Nous te faisons absolument confiance. ». Plus ou moins rassurée mais en tout cas très reconnaissante envers ses grands-parents, Lenaë ne dit rien de plus. Tous les trois finirent leur repas en parlant de sujets plus joyeux, comme les patates et les fruits de mer, faisant momentanément oublier à Lenaë son angoisse. Le lendemain, la jeune femme se rendit sur la tombe de son oncle Nolan comme elle l'avait prévu. Le cimetière de Hauterive était d'une taille relativement importante, ce qui était malheureusement lié à l'importante population de marins de la ville. Lenaë n'eut pourtant aucun mal à trouver l'emplacement où reposait son oncle, celui-ci ayant eu droit aux honneurs de capitaine qui lui accordaient une sépulture plus richement décorée. Son ventre se tordit alors qu'elle lisait le nom de son oncle sur la pierre, et elle ne put s'empêcher de pleurer en pensant qu'elle ne le reverrait jamais. Elle ne comprenait pas comment il avait pu mourir si tôt. C'était un grand homme et un excellent capitaine, il était aimé et respecté par tous et traitait justement chaque personne, même en endossant son rôle de pirate. Lui ne faisait aucune différence entre les hommes et les femmes, les halés et les pâles, les jeunes et les vieux. Ce qui n'était apparemment pas le cas du nouveau capitaine, mais cela ne valait pas dire qu'il aurait dû mourir à la place de Nolan - c'était une horrible pensée. Lenaë appréhendait beaucoup sa rencontre avec Kendall, et elle espérait qu'il ressemblerait au moins un peu à son oncle dans sa grandeur. De toute façon, le départ approchait et elle pourrait bientôt en juger avec Olivia et Doug. Lorsqu'elle posa un pied à bord de la Flèche pour la seconde fois, Lenaë fut frappée de constater à quel point son impression fut différente de la première. Pas seulement au point de vue négatif, heureusement. Non, d'un certain côté, ce voyage s'annonçait bien mieux parti que le précédent : pour commencer, Lenaë avait déjà de bons amis, Olivia, Doug, et n'oublions pas Coquille. La majeure partie de l'équipage la connaissait déjà, si bien que c'était moins intimidant, et contrairement à ce qu'elle craignait, nombre d'entre eux se montrèrent très respectueux avec elle, lui présentant des condoléances pour son oncle – bien qu'elle se fasse toujours surnommer la Campagnarde, et on la railla au sujet de son récent séjour dans les plaines pendant quelque temps. Enfin, malgré sa méfiance envers les flots depuis la mort de son oncle, Lenaë ressentait un plaisir tout aussi intense que la première fois au contact du monde marin. En contre-partie, l'ambiance n'était plus du tout la même que sous le contrôle de Nolan. Lenaë fut scandalisée de constater qu'Olivia et elle – et Coquille, si on veut – représentaient la seule population féminine du bateau. Cela n'était sans doute pas sans lien avec la réputation de sexiste du nouveau capitaine de la Flèche, ce que Lenaë jugeait déplorable. Alors qu'elle appréhendait fortement sa rencontre avec Kendall, la Campagnarde se rendit compte qu'aucun de ses grands-parents ne lui avait menti. Kendall était réellement un brave homme très agréable avec son équipage, néanmoins il avait un sérieux problème avec les femmes. Dès l'arrivée d'Olivia et Lenaë, il ne put s'empêcher de ricaner et fit une remarque désobligeante à propos de la malchance soit-disant liée aux femmes en mer. C'était un grand type à l'allure aussi grossière que ses opinions, affublé d'une jambe de bois et d'une barbe blond sale qui ne le mettaient certainement pas en valeur, et Lenaë considéra que cette vanne était si basse qu'elle n'en tiendrait pas compte. Son estime du capitaine remonta légèrement au début de la traversée, en s'apercevant qu'il avait un bon fond et pouvait être très galant avec elles. Mais son esprit d'homme fragile et effrayé par la possibilité d'être un jour dominé par une femme le poussait à les rabaisser dès que possible : « Mesdemoiselles, n'oubliez pas de vous cacher dès qu'un bateau se présentera à l'horizon ! », « Les filles, vous avez de la chance que nous n'ayons pas à faire la vaisselle ici ou vous devriez encore vous y coller... », « Sans être indiscret, ne pensez-vous pas que vous devriez vous trouver un mari et lui donner des enfants au lieu de jouer aux garçons manqués ? ». Ce manque de respect révoltait Lenaë pour deux raisons. Premièrement, elle trouvait cette façon de traiter les femmes complètement immature. Deuxièmement, il était hors de question que les remarques d'un tel goujat affectent le voyage d'Olivia alors que Lenaë tenait absolument à ce que son amie garde un excellent souvenir de son premier voyage en mer. Heureusement, Olivia faisait comme à son habitude preuve d'une force exemplaire et ignorait les moqueries. Alala, ce que Lenaë l'admirait... Quant au gentil vieux Doug, il défendait les filles dès qu'il le pouvait, sûrement motivé par Coquille, et veillait à bien les encourager : « Allez, au prochain abordage, vous lui montrez ce dont vous êtes capables ! ». Et en effet, Lenaë et Olivia ne ratèrent pas l'occasion une fois qu'elle se fut présentée. Le navire pris pour cible était, cette fois encore, un navire marchand narnien, ce qui ne rassura pas tellement Lenaë. Cependant, elle se ressaisit en entendant les idioties de Kendall : « Bon, Olivia, Lenaë, il est encore temps de vous cacher... Allez quoi, je me sentirais mal si vous vous faisiez tuer !. Mais plutôt que de se cacher ou se faire tuer, les deux amies appliquèrent un plan qu'elles avaient élaboré pendant la traversée. Profitant de la cohue générale, Lenaë se fit passer pour une captive et s'infiltra sur le bateau adverse, s'inspirant ainsi de ce qui l'avait mené à son premier meurtre, bien qu'elle en soit peu fière. Une fois à l'abri avec les marins chargés de la protection du trésor, Lenaë se débrouilla pour en neutraliser (dans le sens assommer, ligoter...) le plus possible et Olivia prit le relais. Plus à l'aise avec le sang, elle éliminait ceux qui ne proposaient pas d'autres options et laissait ainsi le champ libre à ses camarades pirates pour atteindre le trésor. Ainsi, les deux complices parvenaient du même coup à prouver leur valeur et à maintenir secrète la phobie de Lenaë. Leur prouesse leur valut la reconnaissance de tout l'équipage, y compris du capitaine même s'il fallut le saouler avant qu'il ne l'avoue, et dès lors les deux femmes devinrent des pirates respectées. Elles réutilisèrent leur technique à maintes reprises, modifiant parfois quelques détails mais remportant toujours un franc succès. On parla bientôt de Lenaë et Olivia comme d'un « duo de choc », et un surnom fut même attribué à Olivia : « Red ». Lenaë apprit par son amie qu'elle l'avait acquis après avoir étripé un homme et s'être retrouvée couverte de sang. La Campagnarde fut bien contente de ne pas avoir assisté à la scène mais également très fière d'elle, car Olivia était maintenant considérée comme une combattante émérite par tous les pirates, même en étant une femme, et d'ailleurs plus courageuse que bien des hommes. Lenaë, elle, demeurait la Campagnarde et ce surnom lui convenait très bien, mais on la félicita pour ses talents de comédienne ainsi que pour la façon dont elle s'était endurcie depuis qu'elle côtoyait Olivia. Dans un registre moins glorieux, mais elle s'en vantait quand même, Lenaë découvrit qu'elle faisait partie des matelots de la Flèche qui tenaient le mieux l'alcool. Il fallait dire qu'elle avait grandi à la campagne, ça aidait beaucoup... Lenaë et Olivia acquirent ainsi une petite réputation dans le monde pirate, et Kendall fut bien obligé de calmer ses bêtises. Il n'en devint pas meilleur pour autant, ç'aurait été trop beau, mais plus supportable au moins. Quand elles n'étaient pas en mer, les deux amies occupaient donc l'appartement des vieux Darröw qu'elles pouvaient elles-même payer grâce à la petite fortune qu'elles amassaient. Parfois, quand les propriétaires de la Jambe de Bois Plaquée Or lui manquaient trop, Lenaë allait passer une nuit à l'auberge. Tout se passait donc très bien dans la vie des deux femmes pirates, puis un événement vint y ajouter son grain de sel. Ce fut une lettre, plus précisément, que Lenaë reçut il y a quelques mois de cela. Une lettre n'a rien de bien effrayant, en somme ; ce qui inquiéta la Campagne n'était pas le papier, mais plutôt le contenu et l'expéditeur du message. Voilà ce qu'on pouvait y lire « Lenaë, nous avons tout découvert. Nous devons parler. Signé : Papa et Maman. ». Toutes les expressions les plus affolantes du monde – Papa et Maman en faisant partie quand ils suivaient un message alarmant – étaient réunies en deux lignes à peine, ce qui fit bien comprendre à Lenaë qu'elle n'avait pas intérêt à traîner pour rentrer à la maison. Elle quitta Hauterive en ayant fait ses adieux à Olivia et Doug au cas où, car elle était totalement morte de peur, de honte et de culpabilité et n'avait aucune idée de ce qu'on prévoyait de lui faire pour la punir. Un effort surhumain fut requis pour qu'elle se convainque de passer la porte du magasin de ses parents ; elle regretta son geste aussitôt qu'elle eût croisé leur regard foudroyant. Elle ne savait pas s'ils étaient plus en colère ou déçus mais à vrai dire, préférait ne pas le découvrir. Son père et sa mère l'invitèrent très froidement à s'asseoir et Lenaë se sentit telle une petite fille qu'on punit d'une grosse bêtise. C'était un peu le cas – à chaque fois qu'elle se trouvait en présence de ses parents, Lenaë n'avait plus rien d'une pirate mais redevenait l'enfant sage et obéissante dont les Darröw étaient si fiers, à une époque. « Je suis vraiment désolée... » s'excusa sincèrement Lenaë. Elle savait que ses parents ne la pardonneraient pas si facilement, mais elle devait le dire. Comme ils semblaient toujours aussi furieux, elle osa innocemment une question : « Alors, comment l'avez-vous découvert ?. En réaction, son père eut l'espace d'un instant l'allure d'un taureau : un souffle chaud s'échappa de ses narines dilatées par la colère, puis il se lança dans des explications. « Peut-être nous crois-tu profondément idiots, mais il n'a pas échappé à ta mère et moi que tu avais une attitude bizarre. Tous ces secrets, ce regard dans le vague, cette passion soudaine pour l'océan... Ce n'était pas normal. Quand tu es partie avec Olivia, nous avons mené notre enquête. Cela nous a pris beaucoup de temps, mais nous avons cherché dans absolument toutes les boutiques de textile d'Anvard et de ses environs, et jamais nous n'avons trouvé de Lenaë Darröw ou d'Olivia Corydallis. Nous n'osions pas y croire, mais il a fallu nous rendre à l'évidence : tu nous avais menti. Il n'a pas été dur, ensuite, de te retrouver. Nous avons gardé des contacts de notre ancienne vie et plusieurs d'entre eux nous ont confirmé ta présence à Hauterive. Ils nous ont dit que tu étais devenue pirate, et que tu avais même embarqué Olivia avec toi... C'était impossible à nos yeux, et malgré tout le mal que cela nous a causé, nous avons fini par l'accepter. Je n'arrive toujours pas à croire que tu te tiens maintenant devant nous, et au lieu de tout nier en bloc et nous donner une explication plausible, tu te contentes de nous dire que tu es désolée ! Mais est-ce que tu te rends compte ? D'à quel point tu as été imprudente et irresponsable ? Tu aurais pu te tuer, et comme ce n'est pas encore arrivé tu as décidé de faire subir les mêmes risques à une nouvelle amie ! Et en plus, tu as bafoué notre confiance... Comment as-tu pu nous faire ça, après que nous ayons déjà perdu une fille ? Tu ne crois pas que nous avons déjà assez souffert, c'est ça ? ». Gaspard fulminait, maintenant, et sa femme tentait de le calmer en posant une main apaisante sur son épaule. Pour sa part, Lenaë était mortifiée mais sentait cependant la colère monter en elle. Elle comprenait très bien les reproches qui lui étaient adressés, mais considérait certains comme égoïstes. Ses parents s'étaient toujours attendus à ce que Lenaë suive la bonne voie, celle qu'ils lui avaient indiquée. Elle devait leur dire qu'elle avait décidé de choisir la sienne, et qu'elle en avait assez qu'on décide à sa place. « Vous savez pourquoi j'ai décidé de devenir pirate ? Parce que je savais que c'était exactement l'inverse de ce que vous attendiez de moi. J'ai bien conscience que vous ayez quitté le milieu pour me protéger, mais je ne vous l'ai jamais demandé. Et puis vous me protégez beaucoup trop. Vous l'avez fait toute ma vie, vous vouliez que je fasse ce qui vous plaisait de façon à ce que vous soyez sûrs d'avoir fait le bon choix en venant ici et abandonnant tout ce que vous aviez toujours connu. Mais cela me pesait une incroyable pression sur les épaules et vous n'imaginez même pas comment il pouvait être usant de se dire que vous deux et Aurore aviez connu cet univers passionnant dont vous me parliez tout le temps alors que moi, non. Pourquoi n'aurais-je pas le droit de le connaître, moi aussi ? Vous teniez tellement à m'éloigner du milieu que vous avez coupé les ponts avec le reste de la famille, à moins qu'il y ait d'autres raisons, évidemment... Mais vous devez comprendre que je ne suis pas que la fille sage que vous étiez si contents d'avoir. J'avais besoin de liberté, moi aussi, et à force d'obéir, j'ai eu besoin de me rebeller. Et puis il fallait que je vous aide à gagner de l'argent, et ce n'était sûrement pas le tissage qui allait me le permettre. La piraterie s'est donc imposée comme le meilleur choix à faire. Vous savez, au début je ne suis allée à Hauterive seulement pour demander de l'aide. Et puis finalement, je suis devenue pirate, et à part quelques mauvaises expériences, ça m'a beaucoup plu. C'était bien plus intéressant que ce que vous aviez prévu pour moi, et j'étais effondrée de ne pas pouvoir vous en parler. De toute façon, vous n'auriez pas voulu m'écouter... Maintenant, j'y suis retournée, ça me plaît toujours autant et je n'ai pas envie de faire autre chose. Votre problème, c'est que vous voulez dicter la vie de vos enfants. Vous l'avez fait avec moi et avec Aurore aussi, en décidant de l'arracher elle aussi à l'univers pirate. Mais regardez, ce n'était vraiment pas la bonne chose à faire... Alors je m'excuse car il est certain que j'ai eu une conduite abominable avec vous ; je sais que vous ne vouliez que mon bonheur et je m'excuse de ce que j'ai fait. Mais je ne suis pas la seule fautive, et il vous faudra reconnaître que vous l'êtes autant que moi. ». Lenaë ne se rendit compte qu'une fois qu'elle eût fini qu'elle y était allée un peu fort pour ses parents. Mais à vrai dire, elle s'en fichait, elle était révoltée. Et vider son sac lui faisait beaucoup de bien. Au regard noir que lui lancèrent ses parents, Lenaë comprit qu'ils allaient répliquer et lui crier dessus de plus belle. Mais elle n'en avait pas envie. Elle ne voulait plus les entendre. Et c'est ce qui la conduisit à lâcher : « Vous voyez, vous avez tant tenu à rester éloignés de Hauterive que vous avez oublié les gens qui tenaient à vous là-bas. Maintenant, Nolan est mort sans que vous l'ayez jamais revu. Je l'admirais et j'aurais beaucoup aimé que nous puissions passer du temps ensemble avec vous, mais ça n'a jamais été possible. Et c'est à cause de vous. ». Voyant la mine de ses parents se décomposer, Lenaë comprit qu'elle était allée trop loin. Incapable d'affronter les pleurs ou les remontrances de son père et de sa mère, elle décida de fuir la maison. Une fois rentrée à Hauterive, Lenaë raconta ce qu'elle avait fait à Olivia. Elle se sentait horrible et avait beaucoup pleuré en y pensant, mais dans un sens se sentait soulagée d'avoir dit ce qu'elle pensait à ses parents. Elle se doutait néanmoins que, maintenant, elle avait peu de chance de leur reparler avant un bon bout de temps... « Quelle famille déplorable » songeait-elle. « Mes grands-parents paternels sont chefs d'un clan pirates et pratiquement insensibles, les autres sont indifférents à mon existence ; mes parents ne me parlent plus et mon oncle est mort ; et pour finir, ma sœur a disparu. ». Lenaë doutait que la situation familiale s'arrange un jour, mais elle l'espérait. Le mieux qui puisse arriver serait de retrouver Aurore, puisque Lenaë était persuadée qu'elle était en vie, quelque part, et qu'elles seraient un jour réunies. Mais il faudrait patienter longuement avant que ce jour n'arrive, et c'est ce que Lenaë fit. Tout juste consolée par Olivia, la Campagnarde reprit son quotidien de pirate à Hauterive. Tandis que beaucoup de marins du port noyaient leurs problèmes dans l'alcool, Lenaë préférait l'eau de mer. Et elle voguait à bord de la Flèche entourée d'Olivia, Doug et Coquille, en attendant que l'avenir s'annonce meilleur.
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide Dim 17 Aoû - 19:22 | |
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FélicitationsTe voilà validé(e) !ENFIN je te valide donc ma chérie, après cette belle vingtaine de page que tu as écrites, tu peux désormais RP (je n'ai rien de grandiose à dire, tu sais déjà tout ce que je pense ) BON JEU PAR MINOUS ! Ta fiche vient d'être validée par le staff, te voilà maintenant dans le groupe des archenlandais ! A présent, tu peux aller dans toutes les parties du forum. Tu dois, si ce n'est pas fait, recenser ton avatar. Tu peux, entre autres, aller poster ta fiche de liens et en demander pour te faire des amis, des ennemis ou des connaissances. De même, tu peux faire des demandes de rps et créer ta liste de rps en cours ou terminés. Ensuite, il te sera possible de faire une demande d'habitation, ainsi que de recenser ton métier. Après cela, tu es libre de rp dans toutes les parties du forum consacrées à cela. N'hésite pas à jeter un coup d’œil par ici afin de comprendre comment marche le système de points, très lié à ton activité en rp. Enfin, quand tu le souhaites, la partie flood t'est entièrement ouverte, et tu pourras même faire des rps complètement loufoques de ce côté-là pour sortir un peu du contexte.
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| Sujet: Re: Lenaë, running down to the riptide | |
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| | | | Lenaë, running down to the riptide | |
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