L'air marin commençait à se lever à mesure que le bruit des canons s'élevait au loin. Tout l'équipage s'agitait sur le pont, après avoir reçu les ordres du capitaine. Ces gens, tous ceux qui étaient présents sur le navire, ils étaient de ma famille. Les Darröw s'étaient faits une petite réputation sur les mers. De nobles marins au service d'un roi ? «
Ils ont fini de charger les canons, va mettre maman à l'abri ! » Non. «
Il n'y a aucun endroit sûr sur le navire, tu le sais bien ! » Pirates. «
Alors évite de te faire tuer. » Il embrassa maman avant de lever son sabre bien haut et de hurler avec le reste de l'équipage, prêt à attaquer. Je pris donc la main de ma mère, la conduisant loin des canons, de l'autre côté du bateau. Nous n'y serions pas en sécurité, mais c'était mieux que rien. Nous n'avions pas peur de mourir, nous ne pensions pas mourir à vrai dire... mais il y avait eu ce petit imprévu. Quelque chose de bien trop petit et précieux pour des pirates. Pourtant, je ne comprenais pas ce que papa m'avait dit. J'allais avoir un petit frère ou une petite sœur d'ici quelques mois visiblement, mais ils pensaient que la vie de pirate n'était pas assez bien pour élever un bébé. Et moi ? Je n'avais connu que cette vie, et j'ignorai bien comment ils s'étaient débrouillés. M'avaient-ils laissée chez des gens, sur la terre ferme ? Je n'en avais aucun souvenir et je n'avais jamais obtenu de réponses assez claires à mes questions. Nous avions perdu un membre de l'équipage important, cela faisait quelques semaines. Mais ce petit imprévu avait été le déclic. Dès que nous poserons le pied sur la terre ferme, ce serait fini. Adieu la piraterie.
Elle était si petite et si fragile. Elle devait être protégée, elle devait être telle que mes parents l'avaient désirée. Je pouvais jouer avec elle, veiller sur elle et passer du temps avec elle mais jamais trop. Comme si quelque part, malgré tout leur amour pour moi, ils me reniaient. Comme si ils préféraient Lenaë, car elle n'avait jamais rien connu de notre passé familial. Notre famille voguait toujours sur les flots alors que nous, nous avions prit place dans un village archenlandais depuis la naissance de cette petite perle tout droit venue du fond des océans. Agacée par le comportement de mes parents à son égard, leur surprotection affective me fit fuir. Ou peut-être s'agissait-il là de ma nature, je ne saurais le dire. Quoi qu'il en soit, dès que j'en avais l'occasion, je me faufilais entre les rues du village à la recherche d'autres enfants avec qui aller jouer, voir même des adolescents. Nous nous mélangions bien et nous formions un petit groupe. J'adorais passer du temps avec eux, on pouvait se prêter à des jeux de rôles par exemple. Certains imitaient les chevaliers, d'autres des musiciens, d'autres des pirates. Je n'avais pas le droit de dire qui j'étais, qui nous étions. Retranché dans ce royaume comme marchands de tissu, personne ne pouvait deviner quel passé de forbans ma famille et moi nous avions.
Parmi ces enfants s'en trouvaient un, un peu plus intéressant que les autres. Il n'était pas toujours là, il semblait être le fils d'une famille de nobles, et ne venait qu'avec sa gouvernante. Il était peut-être un peu trop prétentieux par moments, mais j'aimais sa compagnie, j'aimais même les quelques disputes que je pouvais avoir avec lui. Il était particulier, il n'était l'égal d'aucun autre. J'aimais ça. J'ignore s'il appréciant tant que ça notre petit groupe ou bien même ma compagnie, mais quelque part, je l'espérais. Et lorsqu'il n'était pas là, je guettais souvent la place ou les rues au loin, menant vers les domaines des riches, dans l'espoir de voir un cheval ou un cocher arriver avec ce garçon et sa gouvernante.
C'était mal, mais bien que je ne le faisais pas souvent, je savais comment voler quelque chose de façon discrète. Là en revanche, la discrétion serait plutôt... avortée. Il passa devant moi en me montrant le navire qui était le sien, et tandis que j'étais derrière lui, je dénouais mon foulard pour le passer autour de son cou et lui voler son épée avant qu'il ne réagisse à mon attaque. Une fois l'épée en main, je la retournais et l'assaillais d'un grand coup sur la tempe, le regardant tomber dans les pommes. Légèrement paniquée à l'idée qu'il ne reprenne vite ses esprits, et remarquant que je m'étais coupée en tenant l'arme par la lame, je lâchais l'objet du délit dans le fleuve, récupérant le foulard et le scellant autour de ma main coupée. Les battements de mon cœur accélérèrent. Devais-je repartir ou devais-je m'en débarrasser ? Ses intentions et son manque de manières à mon égard, ses airs de pirate repérable à cent kilomètres à la ronde, ses mains baladeuses et ses phrases douteuses firent finalement pencher la balance. J'attrapais donc le capitaine par les pieds, le traînant par terre avant de le faire tomber dans l'eau. Figée durant une bonne dizaine de minutes, vérifiant qu'il ne remonterait pas, je finis par partir.
Plus tard dans la soirée, je réussis à me faufiler jusque chez le garçon. Celui qui m'intéressait déjà lorsque nous étions enfants, sans vraiment comprendre pourquoi. Celui que malgré moi, j'avais revu et avec qui j'avais tissé des liens un peu plus forts, bien que tout était devenu plus... intimidant. Je lui expliquais rapidement l'histoire de la taverne, la rencontre avec le pirate et sa fin prématurée. Ma peur des conséquences auxquelles je n'avais évidemment pas pensé. La peur d'affronter mes parents lorsqu'ils auraient apprit que j'avais tué un homme. Un pilleur, violeur, un brigand. Quelqu'un de misérable, mais finalement quelqu'un comme nous. Je doutais qu'il ne comprenne vraiment, il n'avait jamais connu tout ça. Lenaë non plus ne comprendrait pas. Quelle image aurait-elle de moi si elle apprenait tout ça ? Il était hors de question que je ne rentre chez moi avant quelques jours. Voilà pourquoi cette nuit-là, je restai dormir chez lui. Avec lui. Et cette nuit-là fut celle où nous reconnaissions véritablement que nous étions amoureux l'un de l'autre. Je n'aurai pas réellement pensé que je puisse l'être un jour. Amoureuse. Mais finalement, ça m'était tombé dessus comme ça, au fil des années. Peut-être que pour lui aussi ? En tous cas, s'il avait fait avec moi - qui plus est pour la première fois - ce qu'il a fait ce soir-là, c'était qu'il devait vraiment m'aimer. Je voyais mal un fils de noble comme lui faire l'amour avec une fille avec une vie comme la mienne. Et pourtant, il m'aimait. Vraiment. Au point même de me cacher et de m'épauler dans les événements fous de ma vie. Du moins, c'est ce que je croyais...
Figée. J'étais totalement figée devant les flammes. Je m'apprêtais à retourner chez moi lorsque, plus j'approchais de la boutique, plus la chaleur se fit forte et les voisins se firent nombreux à s'agiter en sortant de leurs maisons. A deux doigts de broyer la main de Willer, je finis par m'enfoncer les ongles dans le creux de la main, le tirant avec moi de l'autre jusqu'à la taverne la plus proche. Je savais qui avait fait ça. C'était forcément eux. Les pirates. J'avais besoin de boire quelque chose, de penser à autre chose l'espace de quelques secondes. Tout ce que je ressentais, c'était de la haine. Une haine tellement grande qu'elle m'aurait donné assez de force pour donner un grand coup de poing à quelqu'un et le voir s'écrouler par terre, inconscient. Oui, il fallait quand même admettre que je n'étais pas un homme et n'avait pas une force incroyable... Je n'étais qu'une femme. Et encore. Je n'avais que vingt ans. Mais j'étais moi aussi une pirate au fond. J'avais aussi des ressources. J'avais toujours eu la personnalité et le caractère de quelqu'un qui n'abandonne jamais. Qui n'a aucune limite. Et c'est en buvant avec Willer que je trouvais le meilleur moyen de me venger à mon tour. M'arrangeant donc avec lui, je récupérais un maximum de bouteilles alcoolisées et une boîte d'allumettes, puis nous partîmes en direction du fleuve où était le navire. A première vue, il n'y avait personne dessus. Peut-être que ces mécréants étaient en train de jouir d'autres plaisirs avant de retourner à bord ? Qu'importe. Une fois à bord, nous versâmes de l'alcool un peu partout sur le bateau, sans vraiment faire attention au fait que nous en mettions vraiment partout. Je n'avais donc pas conscience que j'en avais sur moi aussi. Et c'est alors que des pirates sortirent des soutes et des cabines. Ceci n'étant pas tout à fait prévu, ni l'attaque qui suivi leur arrivée, je ne mis pas longtemps avant d'allumer une première allumette, observant l'alcool qui se répandant par terre.
«
Ça, c'est pour ma maison. » Et la première allumette enflamma le voile du navire. Sachant qu'ils étaient déjà à se jeter sur nous, je glissais tant bien que mal à un autre endroit avec une autre allumette que j'allumais du mieux que je pus. «
Ça, c'est pour ma famille. » La seconde allumette toucha le premier pirate qui me fonçait dessus, par défaut, mais qui avait lui aussi glissé sur l'alcool... ce qui fit que le feu se propagea plus vite que prévu. Glissant à nouveau plus loin, j'allumais une troisième allumette. «
Et ça, c'est pour vous ! » Sans réfléchir aux conséquences de mes actes, je jetais l'allumette sur le plancher du bateau, encore huileux. Pauvre folle, jeune femme insouciante et trop impulsive et imprudente pour être fichue de prendre une seule bonne décision réfléchie toute seule. Trop têtue et en colère pour comprendre. Repérant vite William déjà en train de quitter le navire, je me précipitais à mon tour sur le rebord du bateau, quoi que ne pouvant m'empêcher de lancer un dernier regard au bateau en flammes et aux pirates essayant de sauver le navire et de se sauver eux aussi. Certains brûlaient. C'est alors qu'un cri s'échappa de ma gorge lorsque les flammes m'atteignirent également, à cause de tout l'alcool que j'avais sur moi et de ma faculté à ne pas avoir d'instinct de survie suffisant pour éviter de mourir bêtement. Je tombais donc à la renverse du navire, ce qui eut au moins le don d'éteindre le feu, mais qui me laissa des traces de brûlures certaines sur le corps aussi, même si elles n'eurent pas le temps de me faire énormément de mal non plus. Mais pour souffrir, oh je souffrais.
Une fois sur la terre ferme, loin du bateau pirate où les cris mêlés à la fumée noire se faisaient entendre et voir à des kilomètres à la ronde, je pris un moment pour réfléchir. Mais comme toujours, pas longtemps. Pas suffisamment pour sans doutes, prendre la meilleure des décisions. Pour moi. Cependant, ce serait la meilleure décision pour les autres. Tout le monde. Je devais partir. Mais je n'avais nulle part où aller, et j'avais déjà mit la vie de ma famille et de Willer en danger, sans hésitation. J'étais un monstre. Ma famille, je n'avais même pas idée de si elle était en vie ou si elle avait péri dans les flammes. J'en doutais, mais on est jamais vraiment sûrs de rien tant qu'on a pas les preuves sous le nez... Quant à Willer, c'était le moment ou jamais de lui proposer mon plan. Partir loin d'ici. Se faire oublier quelques temps. C'était ce que moi en tous cas, j'avais besoin de faire. Je songeai à Calormen, car je pouvais toujours trouver un moyen d'y aller en bateau avec l'aide d'un batelier. Narnia ? Non. La vie semblait bien trop belle là-bas pour moi, et je ne méritais pas cela. Mais contre toute attente - à mes yeux - il refusa. Assez clairement d'ailleurs. Ne préférant même pas avoir de justifications ou de reproches de sa part, je m'empressai de partir. Seule. Je suis alors rentrée chez moi, discrètement et en remarquant le carnage qu'avait fait le bûcher des pirates sur notre demeure. De plus en plus dévastée, fatiguée, énervée et avec un mal au cœur incroyable, je ne pris pas la peine de réveiller mes parents ni Lenaë. Je ne les méritais pas eux non plus. J'étais un cauchemar ambulant. Je devais partir sans rien dire, sans laisser la moindre trace. Alors j'ai pris mes affaires, de l'argent, et je suis partie.
J'avais été trop désespérée. Je m'étais trop sous-estimée et rabaissée et j'avais songé au fait que je ne pouvais pas mériter mieux. Alors pourquoi n'avais-je pas simplement rejoint ma famille éloignée ? Ceux avec qui j'avais passé une partie de mon enfance ? Je l'ignorais. Mais il me fallait de l'argent, et j'en gagnais trop peu. Je ne dormais quasiment pas, travaillant jour et nuit. Le pire, c'était que je trouverai difficilement autre chose ailleurs. Et que je ne voyais pas de moyen de me défaire de cet endroit. La taverne de Tashbaan. Ce Belisar avait bien profité de moi et de tout ceux qui avaient eux aussi signer un contrat avec lui. Je n'étais pas la seule à me retrouver tavernière de jour et fille de joie la nuit. C'était une espèce de trafic pas si net que ça, et personne ne se doutait de rien. Derrière les rires, les chansons et la bonne ambiance se dissimulait un calvaire sans précédent. La pression, les heures de travail à n'en plus finir, la perte de ma dignité et le fait de me sentir souillée chaque nuit un peu plus encore. On abusait de moi de façon inconsidérée. Je parlais de temps en temps avec mes... collègues de travail. Certaines avaient pu s'échapper de l'esclavage en arrivant ici. Elles étaient contentes. Elles ne comprenaient pas que c'était simplement une autre façon de profiter d'elles. C'était toujours de l'esclavage. Les calormènes de naissance avaient malgré tout trouvé refuge dans leurs prières ou leur misérable salaire. Elles au moins, elles avaient un dieu à qui parler. Moi, je n'avais plus rien ni personne.
«
Non. » Il se mit à rire. Un rire gras, tout comme lui. La claque est partie toute seule. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Heureusement, Belisar n'était pas dans les environs, mais... il allait sans doutes le savoir. Ce type, cette pourriture, était dans la garde royale. Je devais le contenter de telle sorte qu'il ait l'impression d'atteindre le septième ciel, comme le disait l'une de mes si chères collègues. Mais j'en avais assez. Assez de tout ça, de la misère et des bas fonds. D'avoir décidé un jour de me considérer comme une minable et de laisser les gens me considérer comme tel également. C'était fini. J'allais devoir trouver une solution, une porte de sortie. Puis comme si j'avais un protecteur, quelque part sur les mers et les océans qui veillait sur moi, cet homme est venu vers moi et a réclamé mes services. De façon plus courtoise, noble.
Il revint de nombreuses fois finalement, et demanda toujours à me voir. Au début, je l'avais remercié malgré tout pour me sortir un peu de cet enfer et de tous ces ivrognes ignobles et violents. Il était plus compréhensif et soucieux que je n'aurai jamais pu l'espérer, et bien qu'il doive toujours payer pour me voir, j'avais décidé de lui conter les gros événements de ma vie. Puis un jour, il fit la plus belle chose que quelqu'un aurait jamais fait pour moi, en quelques sortes.
Me libérer.
Mon protecteur, celui que je finis par considérer comme mon meilleur ami, me fit sortir de cette cage dans laquelle je me trouvais depuis plusieurs mois. Il négocia auprès de sa famille pour m'engager comme gouvernante. Je ne savais pas si c'était là une bonne idée, étant donné que je n'étais pas vraiment douée pour m'occuper d'enfants... mais j'avais un toit, j'étais nourrie et dans un confort que je n'avais jamais connu auparavant. Je fis ce travail quelques mois durant avant de finalement proposer à la famille de refaire toute leur garde-robe. J'avais apprit à coudre durant mon adolescence et j'avais observé attentivement les tenues des calormènes, surtout des nobles mais aussi des plus démunis. J'avais eu le temps de voir passer de tout à la taverne et dans leur demeure. Je me procurai donc les tissus et le matériel à coudre nécessaire et je mis quelques semaines avant de proposer toutes mes nouvelles tenues à la famille. Je fis quelques retouches par moments, car je n'étais pas une grande experte, mais j'aimais faire ça. Pas autant que la piraterie évidemment, mais quand vous passer des mois à vous faire exploiter et que vous pouvez effectuer un petit retour aux... sources dirons nous, vous jouissez de ce petit privilège et vous permettez de l'exploiter à fond.
Puis finalement, lorsque je jugeais que mes talents de couture pouvaient être exploités à une plus grande échelle, je décidais de récolter l'argent que je m'étais fait par ci par là afin d'ouvrir une petite boutique au cœur de Teebeth. Je décidais donc de m'éloigner de la capitale que j'avais en horreur pour me rapprocher d'un autre lieu. Là-bas, je mis quelques semaines avant d'avoir des clients récurrents. Mais lorsqu'ils commencèrent à venir pour me demander des tenues ou accessoires, je me mis à la tâche rapidement et je fus assez surprise de voir à quel point le résultat plut à chacun. J'instaurais une espèce de nouvelle mode vestimentaire à Teebeth en modifiant un peu des tenues calormènes de base, sans non plus les changer complètement. Cela apportait un côté plus original aux tenues pour un prix pas trop élevé. Il fallait bien attirer les gens et se faire connaître... Je montais donc les prix lorsque les clients se firent plus réguliers, et m'améliorais de plus en plus. Je me fis finalement un nom en ville et j'habillais aussi bien les pauvres que les nobles.
Une vie de pirate m'attendait quelque part, j'en étais persuadée. Mon petit commerce fleurissant m'offrait beaucoup d'argent, et en même temps pas assez. Je devais me procurer le tissu et les accessoires nécessaires pour faire mes tenues. De plus, j'avais espéré au moins récolter pas mal d'argent pour pouvoir enfin revenir chez moi et aider mes parents et Lenaë, mais... je ne le pouvais pas. Je refusais de rentrer chez moi à moins d'avoir accompli mon bout de chemin, un morceau de mon épopée. Une vie de pirate m'attendait, quelque part. Et puis... il y eut ces explorations menées par les dirigeants de chaque royaume. Cela faisait un moment déjà qu'elles avaient commencées, mais un équipage se formait désormais au port de Teebeth pour une nouvelle aventure. De nouvelles découvertes. Peut-être était-ce pour moi l'occasion de partir de ce trou à rats et de revenir à mon élément naturel ? Me confectionnant plusieurs tenues de pirates avec les accessoires qui allaient avec, je finis par débarquer au port avec un sac, prête à partir. Mais là, j'appris que seuls les hommes pouvaient s'en aller. Et les hommes d'origine calormène... Certains décidèrent de se moquer ouvertement de moi, me proposant même de venir mais pour satisfaire la compagnie de l'équipage. Seule contre tout un équipage de gros porcs bons à crever au fond des eaux, je me contentais de maudire leur voyage et de leur rire au nez avant de repartir chez moi, dans ma boutique. Là alors, je pris une décision plus importante encore, avant de tenter à nouveau ce genre de frais : manier l'épée.
Après plusieurs mois d'entraînement intensif à l'épée et à apprendre des techniques de défense, ainsi que quelques combats au corps à corps et à l'épée avec Rhaego, je me sentais enfin plus à l'aise avec une arme. J'aurai également aimé savoir manier l'arc mais je ne voyais pas encore vraiment à quoi cela pourrait me servir... à chasser peut-être ? Et puis quoi ? Si je chassais, comment transporterais-je mon gibier ? Je n'étais pas un homme. J'étais une femme. La guerre ? Nous étions en temps de paix. Protéger ceux auxquels je tenais ? J'ignorais encore s'ils étaient vivants. Pour une partie en tous cas... J'aviserai bien, mais j'aimais énormément cette arme.
L'équipage duquel j'aurai voulu me venger revint peu de temps après en ville, et bien que je me sentais d'attaque à aller leur régler leur compte, je préférais m'en abstenir. Une femme, seule contre tous, même une pirate, ne pouvait pas gagner. Il me fallait au moins plus de pratique.
Un soir d'automne, ma chance tourna. Les cris au dehors et les bruits de casse me réveillèrent en sursaut, et en allant jusqu'à ma fenêtre, je remarquai immédiatement de quoi il s'agissait. J'enfilai alors l'une de mes précieuses tenues, et non pas une robe bien évidemment, je rassemblais rapidement mes bagages tout en ne prenant que le strict minimum, et j'abandonnais ma boutique, cherchant le capitaine du navire directement sur son bateau, pendant que Teebeth se faisait piller et que certains lieux prirent feu après le passage des pirates. Je proposais alors au capitaine mes services en tant que pirate dans son équipage, au même titre que n'importe quel homme présent à bord. Par chance, une autre femme se trouvait déjà là, par conséquent il ne me sous-estima pas comme ces abrutis de calormènes l'avaient fait. Je posais tous mes bagages dans la cabine qui m'était désormais attitrée, prit une torche et je fonçais également aider mes nouveaux compagnons de voyage à piller la ville. Ils mirent un temps avant de comprendre que j'étais nouvelle dans l'équipage, mais ils ne cherchèrent pas à comprendre longtemps, voyant que je me joignais à eux. Ayant eu la chance de repérer quelques maisons où vivaient ceux qui s'étaient moqués de moi en me rabaissant, je défonçais avec un autre pirate la porte de leurs logements afin de voler leur or, des biens de valeur et de mettre le feu à leurs meubles et leurs demeures. J'eus même la chance de pouvoir tuer des membres de leur famille, et de les tuer en dernier. Je ne les avais pas tous eu bien-sûr, mais je me sentais tellement... en vie. C'était jouissif. Je pris soudain un malin plaisir à retrouver ma vie d'antan, les parfums de mon enfance, mais avec un regard d'adulte. J'avais grandi, mais le monde n'avait pas réellement changé. Je m'étais malgré tout assagie, sans pour autant faire partie de ces petites gens. Les nobles, les pauvres, les rois, et tout les autres. Je ne faisais pas partie de ces catégories-là. Non, grand dieu. Moi...
J'étais une pirate.
Me voilà. Après plusieurs années de piraterie retrouvées et de l'expérience enfin accumulée, j'avais décidé de faire enfin mon grand retour triomphal auprès des miens. Je ne savais absolument pas ce qu'ils étaient devenus, et je savais que beaucoup de choses avaient besoin d'être dites, et certainement faites. Mais j'y étais. Enfin. J'avais fais mon bout de chemin, je m'étais faite oubliée, j'avais commis des erreurs mais les avaient réparées. J'avais développé mes connaissances à nouveau dans la marine et la piraterie ainsi que la couture et la mode. J'avais gagné des richesses au fil de mes voyages, pillages et découvertes, même si j'avais également essuyé des tempêtes et des naufrages. Mais j'avais la tête dure. Je ne m'étais plus laissée abattre. J'avais gagné en force d'esprit et en détermination. J'avais changé. J'étais celle que j'avais toujours cherché à être. Riwana. Et Aurore n'allait pas revenir chez elle, non. Aurore n'était plus depuis quelques années déjà. Aurore avait laissé sa place à Riwana.