♞ L’hiver fut particulièrement rude cette année là, alors que naquit Nemirel. Encore aujourd’hui (bien des années après), quand elle arpente les ruelles étriquées d’Anvard, sa ville natale, elle se voit assaillie les réminiscences de la cruauté naturelle de cette saison par les vieux roturiers, désormais incapables de travailler dans les champs.
Elle était née cette année-là, alors que les plus épaisses fourrures, gorgées de neige et de pluie, ne savaient plus protéger des éléments ainsi déchainés. Ses cris avaient percé le sifflement du vent qui serpentait dans les rues, et, portés par celui-ci, avaient déchiré le silence hivernal qu’entretenaient les roturiers reclus chez eux. Une rumeur parcourut les chaumières où le cri de la Vie résonnait encore, et qui ne saurait se tarir avant des temps plus cléments. Un enfant. Des vagues de scepticisme affirmèrent que jamais il ne pourrait survivre dans de telles conditions, sans sage-femme ayant eut le courage de braver les intempéries, sans autre protection que de fines couvertures... sans probablement de mère que le froid avait sans doute trop affaiblit.
L’étrange vivacité dans le bleu profond de ses yeux, la chaleur de son sourire enfantin inspira de modestes odes aux bardes retenus à Anvard par la rudesse du temps ; quelque vers qui louèrent l’éclosion de la vie voisin du déferlement de la mort, qui traitèrent de clémence, de bénédiction des Dieux, de lueur d’espoir et de Soleil radieux contre les cieux sans limites, où se moutonnaient de larges nuages menaçants.
Mais cette reconnaissance, ces éloges lyriques, ne furent que de courte durée. Et encore aujourd’hui, quand elle arpente les ruelles étriquées d’Anvard, sa ville natale, Nemirel se voit assaillie des réminiscences de ces vers pompeux, qui soulèvent les rires aux alentours.

♞ Son heure de gloire prit fin alors que les beaux jours revenaient baigner Anvard de douces lueurs printanières, autorisant les paysans à émerger de leurs chaumières encore recouvertes de givre pour retourner à leurs champs. Une sorte d’accord tacite leur fit convenir que l’adulation éphémère pour Nemirel n’avait été que le fruit d’une monstrueuse crédulité. On jeta de nouveau les Eldarel dans l’oubli qu’indiquait leur rang de roturiers sans le sou.
C’est pourquoi Nemirel grandit, gagnant la réputation d’être solitaire et silencieuse, passive et effacée. Seulement quatre ans après sa naissance naquirent Alberic et Marc, les jumeaux, puis un an plus tard, Audelia qui fut suivie trois ans plus tard par Jehanne. Julianna, leur mère, épuisée par un labeur quotidien difficile et la charge de six enfants, trépassa en couches. Nemirel n’avait alors que huit ans, et cela faisait déjà deux ans qu’elle s’évertuait chaque jour afin de ramener quelque pécule et de quoi se nourrir le soir. Elle aidait aux basses besognes quotidiennes chez les plus bourgeois des miséreux, à nourrir ses frères et sœurs, à récurer sols et plafonds, à faire les courses, à cuisiner, à recoudre, réparer... tandis que son père et son frère courbaient l’échine aux champs. Ce ne fut qu’à ses douze ans que lui fut accordé le droit de les imiter. Ses sœurs (aux traits beaucoup moins gracieux qu’elle comme il en fut convenu dans tout le voisinage), était trop jeune pour aider à de telles besognes et toute la chaumière résonnait de leurs jeux enthousiastes et puérils. Les jumeaux s’occupaient mystérieusement dans leur chambre depuis la mort de Julianna, tandis que Barrian et Nemirel étaient beaucoup trop fatigués pour esquisser le moindre début de phrase.
Elle sentait naître chez ce dernier avec qui elle partageait sa chambre, une profonde rancœur envers leurs deux cadettes et envers les nobles, les rois, les bourgeois, les cupides qui selon lui gangrénaient les rues d’Anvard. L’humilité à laquelle il devait se soumettre apparaissait comme une injustice fondamentale, issue du sang ; sa mère était née ainsi, l’avait mis au monde pour l’y abandonner à son tour.
C’est pourquoi il s’engagea très tôt sur un voilier archelandais, parti commercer aux Îles Solitaires des tissus et des pierres précieuses. S’il est entré dans la légende que Barrian déroba certaines pièces de la cargaison afin de se faire une fortune personnelle (ce qu’il n’a jamais infirmé, très attaché qu’il était à la Vérité), en réalité, le jeune homme a patiemment attendu d’être perçu comme un marin aguerri, talentueux et un homme loyal afin de s’attirer des faveurs. Cinq ans plus tard, Nemirel venait de fêter ses vingt trois ans quand il revint avec une petite fortune sous le bras. Il soulagea ses pairs de dettes, leur offrit un repas chaud et consistant et entreprit de créer un nom.
Ainsi, les trois frères Eldarel s’en allèrent ensemble commercer sur les Îles Solitaires toute une année durant, avant de se séparer. Ils en retirèrent un profit modeste, mais qui rehaussa leur niveau de vie et celui de leurs sœurs. Cela faisait déjà deux ans que le père ne pouvait plus offrir ses services aux champs d’Archeland, si bien que tout incombait aux trois jeunes femmes. Bientôt néanmoins, seule Nemirel fut contrainte à des levers matinaux, des travaux difficiles et harassants grâce à l’argent ramené par ses frères. Audelia et Jehanne abandonnèrent tout travail, préférant convoiter à longueur de journées les riches parures et robes que leur offrait Alberic au retour de ses voyages.
À son aînée, il n’offrit rien de plus que la liberté, seul jeune homme éclairé de toute sa fratrie. Il décida de tirer profit de la beauté et du sens du devoir de la jeune femme. C’est ainsi qu’elle fut offerte aux Vaels, un excellent parti selon Barrian et Marc (ils n’avaient de cesse de le lui répéter).

♞ Ce fut avec beaucoup de réticences que Nemirel finit par se plier à la volonté de ses frères. À force de discussions interminables, d’insultes, de sermons, de railleries ou de silences sa volonté enfin se brisa aux pieds des trois despotes. Les sourires satisfaits achevèrent de la plonger dans le plus profond désespoir, destinée qu’elle était à épouser un homme plus jeune qu’elle, dont elle n’avait jamais croisé le chemin ou entendu la voix... Pourtant Audelia s’offensait qu’il était l’une des personnalités les plus prisées d’Anvard, et que l’on s’arrachait ses services lorsqu’il s’agissait d’entretien de chevaux.

Les noces furent célébrées en plein mois d’août, par une chaleur exécrable. Une cérémonie pompeusement mensongère tant les deux familles l’avaient ambitionnée plus fastueuse qu’elles ne pouvaient se le permettre... On cacha les vestiges de la misère en parant lourdement Nemirel de pierreries, en tressant ses cheveux avec de longues chaînes d’or (qui furent rendues à leur propriétaire quelques heures après le repas), en décorant l’Eglise d’innombrables fleurs, en servant des compotées de chou et d’épinards au milieu de pièces de bœuf et de tartes aux framboises... Le vin apporta à son tour l’opulence suffisante aux Vaels pour ne pas perdre la face, et Nemirel, découvrant ses propriétés médicales, entreprit consciencieusement de perdre toute notion de son environnement.
Cependant, les Eldarel ne semblèrent pas se repaître de ce titre presque nobiliaire qu’ils venaient d’acquérir, si bien que frères et sœurs se lancèrent à la conquête de l’est, abandonnant Nemirel à une vie qu’elle imaginait trop bien rangée... Ses journées ne lui apparaissaient que comme une longue succession de rituels, d’habitudes désuètes et épuisantes que des patriarches fanatiques avaient dû inventer pour garder le contrôle sur leurs héritiers... Tout tournait autour des chevaux, et les deux années qui suivirent son mariage, Nemirel ne fit qu’amasser des monceaux de connaissances quant à leur traitement, leur entretien, leur alimentation, l’art de les dompter et les monter... Il fut convenu qu’elle progressait à toute allure, lui découvrant certaines capacités d’apprentissage malgré les années passées dans la plus totale ignorance - elle apprit ainsi les rudiments de la lecture et de l’écriture, laissant l’art des nombres aux plus téméraires.
Dans l’austérité de sa demeure et des gens qui la peuplaient, Nemirel découvrait auprès de son époux et des créatures qu’il soignait un grand réconfort, une sorte de symbiose, de paix qui accentua sa surprise lorsqu’il se refusa à la toucher. Il ne supportait pas de contact plus intime que celui de sa main corrigeant un de ses gestes près d’une belle jument, d’un étalon au pelage soyeux... Ils nouèrent ainsi une profonde amitié, centrée autour de leur commerce et qui ne put enfanter rien d’autre que de grands profits.
Les saisons se succédèrent ainsi, sans venir perturber l'organisation très précise du quotidien des Vaels. Du moins jusqu'à ce que la Nature tente d'appeler ses droits à elle-même dans un élan désespéré.

♞ Une journée ensoleillée après des semaines tourmentées de pluies diluviennes, Nemirel s'était rendue dans les écuries, s'empressant de les épurer des déjections naturelles de ses protégés. Elle avait courber le dos des heures durant - toute la journée en réalité - et quand enfin, ses membres engourdis par l'effort, elle s'était avachie dans un profond fauteuil, des cris venus de la cour la maintinrent éveillée. Enhardi par la beauté du temps, son époux s'était empressé d'exercer ses talents de dresseur, prenant une des juments les plus effrontées de son lot afin de prouver une nouvelle fois sa valeur ; seulement, la malchance l'avait frappé, et il ne resta de son visage que le souvenir étranglé de ses plus proches parents.
Il fut convenu unanimement que n'ayant eut aucune descendance et que l'âge avait trop profondément atteint ses parents, les écuries et ses bénéfices incomberaient désormais entièrement à Nemirel. Sa belle-mère n'y vit aucun inconvénient, s'étant beaucoup liée à la douceur naturelle de la jeune femme et n'ayant blâmé que son fils pour son absence de petits-enfants. Néanmoins, le patriarche tenta de s'y opposer, prétendant pouvoir mener lui-même l'entreprise, que ce n'était ni un rôle de femme et encore moins un rôle d'épouse. Mais sa femme comme les huissiers furent hermétiques à ses arguments, et Nemirel hérita des écuries Vaels.
Aujourd'hui à la tête de la fortune familiale, Nemirel compte bien tenir les requins cupides qui lui servent de frères et de sœurs à l'écart, tenter de protéger ce que d'autres ont durement bâti bien avant elle. C'est pourquoi elle exerce d'autant plus, s'instruit afin de contourner les magouilles malhonnêtes des Eldarel.
Enfin, le chemin à parcourir reste long et périlleux.

PSEUDO : Nem, parce que j'aime manger les chinois. ÂGE : dix sept ans. COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM ? via l'ancien qui venait de “fermer” quand je suis tombée dessus. J'avais réservé Emilia Clarke mais j'ai retourné ma chemise. VOTRE DISPONIBILITÉ : 4 pour le rp environ, puis 5-6/7 pour le flood et la cb  DES REMARQUES, DES IMPRESSIONS : de l'amour, du Narnia, bwouef = perfection. CRÉDITS : fuck yeah dianna agron ! sur Bazzart et blini soul. MOT DE LA FIN : foi de canard.